Page 99 - Heureux ceux qui (1995)

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Aimez-vous les uns les autres
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par le Maître montre que celui qui entretient en lui un esprit de juge-
ment est plus coupable que celui qu’il censure, car non seulement
il commet les mêmes fautes, mais il y ajoute encore l’orgueil et la
critique.
Jésus étant le seul vrai modèle, quiconque se donne en exemple
aux autres prend la place du Christ. Et puisque le Père “a remis tout
jugement au Fils” (
Jean 5 :22
), celui qui a la prétention de juger les
mobiles des autres usurpe en outre les prérogatives du Fils de Dieu.
Ces prétendus juges et critiques se placent ainsi dans les rangs de
l’Antichrist “qui s’élève au-dessus de tout ce qu’on appelle Dieu
ou de ce qu’on adore, jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu, se
proclamant lui-même Dieu”
2 Thessaloniciens 2 :4
.
Le péché dont les conséquences sont les plus lamentables est
cet esprit froid, critique, implacable, qui caractérisait le pharisaïsme.
Une vie religieuse qui manque de charité prouve qu’elle n’est pas
illuminée par l’amour du Christ, et ce n’est pas une activité intense
ni un zèle dévorant qui comblera cette lacune. On peut posséder
une merveilleuse finesse de perception pour découvrir les défauts
des autres, mais, à celui qui s’adonne à cet exercice, Jésus dit :
“Hypocrite, ôte premièrement la poutre de ton œil, et alors tu verras
comment ôter la paille de l’œil de ton frère.” Le coupable est le
premier à suspecter les autres. En condamnant son semblable, il
cherche à cacher ou à excuser le mal qui est en lui. C’est par le
péché que les hommes ont eu la connaissance du mal. À peine
nos premiers parents eurent-ils désobéi qu’ils se mirent à s’accuser
mutuellement. Telle est la nature humaine chaque fois qu’elle n’est
pas sous l’influence de la grâce.
Ceux qui agissent ainsi ne se contentent pas de signaler ce qu’ils
estiment répréhensible chez leur frère. S’ils ne parviennent pas, par
des mesures modérées, à le rendre tel qu’ils voudraient le voir, ils
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ont recours à la manière forte ; ils vont dans cette voie aussi loin
qu’ils le peuvent pour l’obliger à se soumettre à leur conception du
bien. C’est ce que faisaient les Juifs aux jours du Sauveur et ce que
l’Église a toujours fait depuis, chaque fois qu’elle a perdu de vue
l’esprit du Christ. Dépourvue de la puissance d’amour qui l’animait,
elle a fait appel au bras séculier pour imposer ses dogmes et faire
exécuter ses décrets. C’est là qu’il faut chercher la véritable raison