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Silence, apaise-toi !
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à leurs regards. Deux aliénés cachés parmi les tombes se jetèrent
sur eux comme pour les mettre en pièces. Des morceaux de chaînes
qu’ils avaient brisées en s’échappant de prison étaient encore at-
tachés à leurs membres. Leurs chairs, tailladées par des pierres
tranchantes, saignaient. A travers leurs longs cheveux emmêlés leurs
yeux brillaient d’un éclat étrange ; les démons dont ils étaient possé-
dés leur ôtaient toute apparence humaine : ils ressemblaient plus à
des fauves qu’à des hommes.
Terrorisés, les disciples et leurs compagnons s’enfuirent. S’aper-
cevant bientôt que Jésus ne se trouvait pas avec eux, ils retournèrent
en arrière pour le chercher. Le Maître était resté à l’endroit même où
ils l’avaient laissé. Il ne fuyait pas devant les démons, celui qui avait
apaisé la tempête et qui, auparavant déjà, avait affronté et vaincu
Satan. Quand les deux hommes, grinçant des dents et la bouche
écumante s’approchèrent de lui, Jésus étendit la main qui venait
d’imposer silence aux flots, et ces hommes n’avancèrent pas. Ils se
tenaient tremblants de rage, mais impuissants, en sa présence.
Avec autorité Jésus commanda aux esprits impurs de sortir d’eux.
Ses paroles pénétrèrent dans les esprits obscurcis de ces infortunés.
Ils percevaient confusément qu’une présence inattendue pouvait les
délivrer de leurs tortionnaires. Ils tombèrent aux pieds du Sauveur
pour l’adorer ; mais dès qu’ils remuèrent les lèvres pour implorer sa
miséricorde, les démons, parlant par eux, crièrent avec véhémence :
“Que me veux-tu, Jésus, Fils du Dieu Très-Haut ? Je t’en supplie, ne
me tourmente pas.”
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Jésus demanda : “Quel est ton nom?” Il reçut cette réponse :
“Légion est mon nom, car nous sommes plusieurs.” Se servant de
ces malheureux comme moyens de communication, les démons
supplièrent Jésus de ne pas les renvoyer hors du pays. Un vaste trou-
peau de pourceaux paissait sur un coteau peu éloigné. Les démons
demandèrent qu’on les laissât entrer dans les pourceaux, et Jésus
le leur permit. Immédiatement la panique saisit ces animaux, qui
se précipitèrent, avec furie, du haut de la falaise, dans le lac, et y
périrent.
Pendant ce temps un changement merveilleux s’était produit
chez les démoniaques. La lumière brillait à nouveau dans leur esprit.
Leurs regards étaient redevenus intelligents, leurs visages, si long-
temps déformés à l’image de Satan, retrouvaient leur douceur, les