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Une nuit sur le lac
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sous son vrai jour, lui qui possédait une telle puissance ? Pourquoi
n’avait-il pas arraché Jean-Baptiste à une mort violente ? A force de
raisonner ainsi, ils se trouvèrent dans de grandes ténèbres spirituelles.
Ils en venaient à se demander si le Christ n’était pas un imposteur
comme le prétendaient les pharisiens.
Ce jour-là les disciples avaient été témoins des œuvres extra-
ordinaires du Christ. Le ciel avait paru descendre sur la terre. Le
souvenir de cette magnifique journée aurait dû les combler de foi
et d’espérance ; s’ils s’étaient entretenus ensemble de ces choses,
ils n’auraient pas donné prise à la tentation, mais, absorbés par leur
désappointement, ils ne prêtèrent pas l’oreille aux paroles du Christ :
“Ramassez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde.” Ou-
bliant déjà les heures richement bénies qui venaient de s’écouler, ils
se sentaient comme au milieu des eaux agitées. Le Seigneur permit
qu’ils fussent mis à l’épreuve par un autre sujet de préoccupation.
Souvent Dieu agit ainsi envers les hommes qui se créent des far-
deaux et des difficultés. Ce n’était pas le moment d’inventer des
complications, car un danger réel les guettait. Formant un contraste
avec le temps magnifique qui avait duré tout le jour, une violente
tempête s’était insensiblement approchée et allait les surprendre.
Quand l’orage éclata, ils en furent effrayés ; oubliant leur méconten-
tement, leur incrédulité, leur impatience, tous s’acharnaient au travail
afin d’empêcher la barque de s’enfoncer. De Bethsaïda à l’endroit
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où ils espéraient retrouver Jésus, la distance était courte, par mer ;
le voyage ne durait que quelques heures en temps ordinaire ; cette
fois, refoulés constamment, ils peinèrent sur leurs rames jusqu’à la
quatrième veille de la nuit. Finalement, épuisés, ils se crurent perdus.
La mer démontée dans les ténèbres leur avait montré leur propre
impuissance et ils soupiraient après la présence du Maître.
Jésus ne les avait pas oubliés. Celui qui, du rivage, veillait sur
eux, vit ces hommes épouvantés luttant contre la tempête. Il ne les
perdit pas de vue un seul instant. Avec la plus vive sollicitude il
suivait des yeux la barque secouée par la tempête avec son précieux
fardeau ; car ces hommes étaient destinés à être la lumière du monde.
Telle une mère veillant avec tendresse sur son enfant, ainsi le Maître,
plein de pitié, veillait sur ses disciples. Aussitôt que leurs cœurs
eurent retrouvé la soumission, que leur ambition profane eut été