Une nuit sur le lac
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force, et de le proclamer roi d’Israël. Les disciples sont d’accord
avec la multitude pour affirmer que leur Maître est l’héritier légitime
du trône de David. C’est, disent-ils, la modestie du Christ, qui l’em-
pêche d’accepter un tel honneur. Que le peuple élève, sur le pavois,
son libérateur. Les prêtres et les anciens orgueilleux se verront forcés
d’honorer celui qui viendra revêtu de l’autorité de Dieu.
Avec beaucoup d’ardeur ils préparent l’exécution de leur des-
sein ; mais Jésus voit ce qui se trame, et il comprend ce qu’eux ne
comprennent pas : quel serait le résultat d’un tel mouvement. En
ce moment même, prêtres et anciens cherchent à lui ôter la vie. Ils
l’accusent de leur aliéner le peuple. Une tentative faite pour le placer
sur le trône serait suivie de violence et de tumulte et aurait pour
effet d’empêcher l’œuvre du royaume spirituel. Il faut tout de suite
mettre un frein à cette agitation. Ayant appelé ses disciples, Jésus
leur commanda de s’embarquer pour retourner immédiatement à
Capernaüm, et de lui laisser le soin de congédier la foule.
Jamais encore un ordre du Christ n’avait paru si difficile à exé-
cuter. Les disciples attendaient depuis longtemps ce mouvement
populaire, et ils ne pouvaient se faire à l’idée que tout cet enthou-
siasme allait être réduit à néant alors que la présence des foules
assemblées en vue de la Pâque et désirant ardemment voir le nou-
veau prophète offrait une occasion unique pour établir le Maître
bien-aimé sur le trône d’Israël. Dans l’ardeur de cette nouvelle am-
bition il leur était pénible de s’en aller, laissant Jésus seul sur cette
plage déserte. Ils commencèrent à récriminer, mais Jésus parla avec
un accent d’autorité inaccoutumé. Voyant que toute opposition était
inutile, ils se dirigèrent, silencieux, vers le lac.
Alors, Jésus ordonne à la foule de se disperser ; son attitude est
si décidée que personne n’ose lui résister. Les paroles de louanges et
de glorification expirent sur les lèvres ; tous sont arrêtés au moment
même où ils s’avançaient pour se saisir de lui, et la joie qui éclairait
leurs visages s’évanouit. Il y a dans la foule des hommes à la volonté
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forte ; cependant l’aspect royal de Jésus, ses ordres, donnés avec
tranquillité, calment le tumulte et déjouent leur dessein. Ils recon-
naissent en lui une puissance supérieure à toute autorité terrestre, et
ils se soumettent sans discussion.
Resté seul, Jésus “monta sur la montagne, pour prier à l’écart”.
Des heures durant il intercède auprès de Dieu. Ce n’est pas pour lui