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Chapiter 7 — Luther se sépare de Rome
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entreprirent eux-mêmes auprès de l’empereur les démarches néces-
saires. De son côté, l’intention du légat était, si possible, d’arracher à
Luther une rétractation, et, dans le cas où il échouerait, de le conduire
à Rome pour lui faire subir le sort de Hus et de Jérôme à Constance.
Par ses émissaires, il engagea Luther à se confier en sa clémence et à
se présenter devant lui sans sauf-conduit. Le réformateur s’y refusa,
ne voulant paraître devant l’ambassadeur du pape qu’en possession
d’un document lui garantissant la protection de l’empereur.
Le plan des romanistes était de gagner Luther par une apparente
bienveillance. Dans ses entrevues avec lui, le légat, tout en manifes-
tant une grande amabilité, exigea qu’il se soumît implicitement et
sans discussion à l’autorité de l’Eglise. Il ne connaissait pas encore
l’homme en présence duquel il se trouvait. Dans sa réponse, Luther
lui exprima sa déférence pour l’Eglise et son amour pour la vérité,
se déclarant prêt à écouter toutes les objections qui pourraient être
faites à ses enseignements et à soumettre sa doctrine à certaines uni-
versités réputées. Mais il protestait contre la prétention du cardinal
de le faire rétracter sans l’avoir convaincu d’erreur.
Pour toute réponse, le légat répétait : “Rétracte, rétracte !” Le
réformateur eut beau déclarer que ses propositions étaient fondées
sur les Ecritures, et qu’il ne pouvait renoncer à la vérité, le légat,
incapable de réfuter ses arguments, se mit à l’accabler d’un flot de
paroles où s’entremêlaient les accusations, les concessions, les flat-
teries, les appels à la tradition des pères, sans laisser au réformateur
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le temps de lui répondre. Convaincu que des entretiens de ce genre
n’aboutiraient à rien, Luther obtint enfin, mais non sans peine, de
présenter sa réponse par écrit.
“Je voyais, écrivait-il à un ami, que le moyen le plus sage était
de lui répondre par écrit ; car une réponse écrite laisse au moins aux
opprimés un double avantage : d’abord, de pouvoir soumettre leur
cas à des tiers et deuxièmement, la ressource d’intimider un despote
verbeux et sans conscience, qui, autrement, l’emporterait par son
langage impérieux
A l’entrevue suivante, Luther donna de ses enseignements un
exposé clair, concis et convaincant, appuyant chacune de ses propo-
1. Martyn,
The Life and Times of Luther, 271, 272
. Cf. Félix Kuhn,
Luther, sa vie et
son œuvre 1 :301
, Paris 1883.