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Chapiter 7 — Luther se sépare de Rome
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silencieuses de la ville. Des ennemis vigilants et cruels conspiraient
sa perte. Echapperait-il aux pièges tendus sous ses pas ? Ce furent
des minutes d’anxiété, mais aussi de ferventes prières. Arrivés près
des murailles, les fugitifs virent une porte s’ouvrir devant eux. Ils
passèrent sans encombre et pressèrent alors leurs montures. Avant
que le légat eût connaissance de la fuite de Luther, celui-ci se trouvait
hors d’atteinte. Les projets de Satan et de ses émissaires étaient
déjoués. L’homme qu’ils croyaient en leur pouvoir s’était évadé :
l’oiseau avait échappé au piège de l’oiseleur. A cette nouvelle, le
légat fut consterné. Il avait compté sur de grands honneurs en retour
de la sagesse et de la fermeté dont il pensait avoir fait preuve à
l’égard de ce contempteur de l’Eglise. Or, ses espérances étaient
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frustrées. Il donna libre cours à sa rage dans une lettre à l’électeur
de Saxe, où il accusait amèrement le réformateur et exigeait que
Frédéric envoyât celui-ci à Rome, ou l’expulsât de la Saxe.
L’électeur ne possédait alors qu’une connaissance bien super-
ficielle de la doctrine réformée ; mais il était impressionné par la
loyauté, la force et la clarté des paroles de Luther. Aussi Frédé-
ric résolut-il de protéger le réformateur tant qu’il n’aurait pas été
convaincu d’erreur. Dans sa défense, Luther avait en effet demandé
que le légat ou le pape lui démontrât ses erreurs par les Ecritures,
s’engageant solennellement à renoncer à sa doctrine si elle était
en conflit avec la Parole de Dieu. L’électeur écrivit donc au légat :
“Puisque le docteur Martin a comparu devant vous à Augsbourg,
vous devez être satisfait. Nous ne nous étions pas attendus que, sans
l’avoir convaincu, vous prétendiez le contraindre à se rétracter. Au-
cun des savants qui se trouvent dans nos principautés ne nous a dit
que la doctrine de Martin fût impie, antichrétienne et hérétique.” Le
prince refusa en outre d’envoyer Luther à Rome ou de le chasser de
ses Etats.
L’électeur constatait d’ailleurs que l’affaissement général de la
moralité dans la société exigeait une grande œuvre de réforme. Il
comprenait que toute l’organisation civile compliquée et onéreuse
destinée à restreindre et à punir le crime deviendrait inutile si cha-
cun reconnaissait les droits de Dieu et suivait les directions d’une
conscience éclairée. Il voyait que les travaux de Luther visaient à
cela, et il éprouvait une joie secrète à la pensée qu’une influence
meilleure commençait à se faire sentir dans l’Eglise.