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Chapiter 8 — Luther à la diète de Worms
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la cause de Rome, mère et maîtresse de toutes les Eglises”, revendi-
quer la primauté de saint Pierre devant les princes de la chrétienté.
“Bien doué sous le rapport de l’éloquence, il sut s’élever à la hauteur
des circonstances. La Providence voulut que Rome, avant d’être
condamnée, eût l’occasion de faire valoir sa cause par le plus habile
de ses orateurs, et devant le plus puissant tribunal.” Ce n’est pas
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sans quelque appréhension que les amis de la Réforme envisageaient
l’effet du discours d’Aléandre. L’électeur de Saxe, qui n’était pas
présent, avait donné ordre à quelques-uns de ses conseillers d’aller
l’entendre et de prendre des notes.
Mettant à réquisition toute sa science et toute son éloquence,
Aléandre accumula contre Luther accusation sur accusation. Il le
traita d’ennemi public de l’Eglise et de l’Etat, des vivants et des
morts, du clergé et des laïques, des conciles et des particuliers. “Il
y a, dit-il, dans les erreurs de Luther de quoi faire brûler cent mille
hérétiques.”
En concluant, il déversa tout son mépris sur les partisans de la
foi réformée. “Que sont tous ces luthériens ? Un amas de grammai-
riens insolents, de prêtres corrompus, de moines déréglés, d’avocats
ignorants, de nobles dégradés et de gens du commun égarés et per-
vertis. Combien le parti catholique n’est-il pas plus nombreux, plus
habile, plus puissant ! Un décret unanime de cette illustre assemblée
éclairera les simples, avertira les imprudents, décidera les hésitants
et affermira les faibles.”
Telles sont les armes employées en tout temps contre les re-
présentants de la vérité. Ces mêmes arguments sont encore avan-
cés contre ceux qui osent opposer aux erreurs populaires les en-
seignements clairs et simples de la Parole de Dieu. “Qui sont ces
novateurs ?” s’écrient les partisans d’une religion populaire. “Un
petit nombre d’ignorants et de roturiers prétendant avoir la vérité,
et se donnant pour le peuple élu de Dieu ! Combien supérieure en
nombre et en influence est notre Eglise ! Voyez de notre côté tous
les hommes éminents par leur science et par leur piété !” De tels
arguments exercent leur influence sur le monde ; mais ils ne sont pas
plus concluants maintenant qu’aux jours du réformateur.
Le discours du légat fit une profonde impression sur l’assemblée.
Nul ne se trouva là pour opposer au champion du pape l’ensei-
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gnement simple et clair de la Parole de Dieu. Personne ne tenta