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La Tragédie des Siècles
de défendre le réformateur. L’opinion générale était disposée, non
seulement à le condamner, lui et ses doctrines, mais, si possible, à
déraciner l’hérésie. Rome avait défendu sa cause dans les conditions
les plus favorables. Tout ce qu’elle pouvait dire en sa faveur, elle
l’avait dit. Mais son apparente victoire était le signal de sa défaite.
Dès ce moment, le contraste entre la vérité et l’erreur deviendrait
d’autant plus manifeste qu’elles allaient pouvoir se livrer ouverte-
ment bataille. A partir de ce jour, jamais la position de Rome ne
devait être aussi forte qu’auparavant.
Le légat avait présenté la papauté sous son plus beau jour. Les
membres de la diète étaient à peu près unanimes pour livrer Luther
à la vindicte de ses ennemis. A ce moment, l’Esprit de Dieu poussa
un membre de la diète à faire un tableau véridique de la tyrannie
papale. Noble et ferme, le duc Georges de Saxe se leva dans l’auguste
assemblée ; après avoir décrit avec une exactitude impitoyable les
abus de la papauté ainsi que leurs déplorables conséquences, il
conclut :
“Voilà quelques-uns des abus qui crient contre Rome. Toute
honte bannie, on ne s’applique plus qu’à une seule chose ... [amasser]
de l’argent ! encore de l’argent ! ... En sorte que les prédicateurs qui
devraient enseigner la vérité ne débitent plus que des mensonges, et
que non seulement on les tolère, mais qu’on les récompense, parce
que plus ils mentent, plus ils gagnent. C’est de ce puits fangeux que
proviennent tant d’eaux corrompues. La débauche donne la main à
l’avarice... Ah ! c’est le scandale que le clergé donne qui précipite
tant de pauvres âmes dans une condamnation éternelle. Il faut opérer
une réforme universelle.”
Luther lui-même n’eût pu dénoncer les abus de la papauté avec
plus de puissance ; le fait que l’orateur était un ennemi avéré du
réformateur donnait plus de poids à ses paroles. En l’absence de
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Luther, la voix d’un plus grand que lui avait été entendue.
Si les yeux de l’assemblée avaient été ouverts, elle aurait vu
dans son sein des anges de Dieu rayonnants de lumière dissipant
les ténèbres de l’erreur et ouvrant les intelligences et les cœurs à
la vérité. C’était la puissance du Dieu de sagesse et de vérité qui
refrénait les adversaires de la Réforme et préparait ainsi la voie à la
grande œuvre qui allait s’accomplir.