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Chapiter 8 — Luther à la diète de Worms
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Au moment où l’accusé allait comparaître devant ses juges, un
vieux général, héros de bien des batailles, lui dit avec bonté : “Petit
moine ! petit moine ! Tu as devant toi une marche et une affaire telles
que ni moi, ni bien des capitaines n’en avons jamais vu de pareille
dans la plus sanglante de nos batailles ! Mais si ta cause est juste, et
si tu en as l’assurance, avance au nom de Dieu, et ne crains rien !
Dieu ne t’abandonnera pas !”
Luther était enfin devant la diète, où l’empereur occupait le
trône, entouré des personnages les plus illustres de l’empire. Ja-
mais homme n’avait comparu devant plus imposante assemblée.
“Cette comparution était déjà une éclatante victoire remportée sur
la papauté. Le pape avait condamné cet homme, et cet homme se
trouvait devant un tribunal qui se plaçait ainsi au-dessus du pape. Le
pape l’avait mis à l’interdit, retranché de toute société humaine, et il
était convoqué en termes honorables et reçu devant la plus auguste
assemblée de l’univers. Le pape avait ordonné que sa bouche fût
à jamais muette, et il allait l’ouvrir devant des milliers d’auditeurs
assemblés des endroits les plus éloignés de toute la chrétienté. Une
immense révolution s’était ainsi accomplie au moyen de Luther.
Rome descendait déjà de son trône, et c’est la parole d’un moine qui
l’en faisait descendre.”
En présence de cette assemblée de rois et de princes, le fils du
mineur de Mansfeld se sentit ému et intimidé. Plusieurs princes,
l’ayant remarqué, s’approchèrent de lui avec bienveillance. L’un
d’eux lui dit : “Ne craignez point ceux qui tuent le corps, et qui ne
peuvent tuer l’âme.” Un autre ajouta : “Quand vous serez menés
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devant des gouverneurs et devant des rois, l’Esprit de votre Père
parlera par votre bouche.” Ainsi, à cette heure critique, les paroles
du divin Maître venaient fortifier son serviteur par l’organe des
puissants de ce monde.
Luther fut placé en face du trône de l’empereur. Un profond
silence se fit dans l’assemblée. Alors un officier impérial se leva et,
désignant une collection des écrits de Luther, invita le réformateur à
répondre à deux questions : premièrement, ces ouvrages étaient-ils
bien de lui ? deuxièmement, était-il disposé à rétracter les opinions
qu’il y avait avancées ? Les titres des ouvrages ayant été lus, Luther,
répondant à la première question, affirma en être l’auteur. “Quant à
la seconde question, dit-il, attendu que c’est une question qui regarde