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Chapiter 8 — Luther à la diète de Worms
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d’être accusé de lâcheté pour s’être retiré de la mêlée, et il se repro-
chait ses aises et son indolence. Et pourtant, il accomplissait chaque
jour une somme de travail extraordinaire. Sa plume ne restait pas
inactive, et ses ennemis, qui se flattaient de l’avoir réduit au silence,
ne tardèrent pas à être étonnés et confondus des preuves de son
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activité. Une quantité de tracts écrits par le solitaire se répandaient
dans toute l’Allemagne. Il rendit aussi à ses concitoyens un service
inappréciable en traduisant le Nouveau Testament dans la langue du
peuple. Du haut de son rocher de Patmos, il continua, pendant près
d’une année, de proclamer l’Evangile et de dénoncer les erreurs de
son temps.
Si Dieu avait retiré son serviteur de la vie publique, ce n’était pas
seulement pour l’arracher à la fureur de ses adversaires et lui assurer
un temps de tranquillité pour ses importants travaux ; c’était en vue
de résultats plus précieux encore. Dans la solitude et l’obscurité de
cette retraite, éloigné des appuis humains et des louanges du monde,
Luther fut mis à l’abri de la suffisance et de l’orgueil qui accom-
pagnent souvent le succès. Cette souffrance et cette humiliation le
préparaient à fouler d’un pas plus sûr les hauteurs vertigineuses où,
si soudainement, il avait été transporté.
Tout en se réjouissant de la liberté que la vérité leur apporte,
les hommes courent le danger d’exalter les serviteurs employés par
Dieu pour rompre les chaînes de l’erreur et de la superstition. Satan
s’efforce de détacher les hommes du Créateur pour diriger leurs
pensées et leurs affections sur la créature. En les poussant à honorer
l’instrument, il leur fait oublier la main qui les dirige, et alors, trop
souvent, les conducteurs religieux, ainsi flattés et honorés, oublient
leur dépendance de Dieu, et en viennent à se confier en eux-mêmes.
Ils cherchent à dominer les esprits et les consciences de gens sans
cesse enclins à leur demander conseil plutôt qu’à la Parole de Dieu.
L’œuvre de réformation est souvent enrayée par ce fâcheux travers.
Dieu voulait en préserver la Réforme, afin que ce mouvement portât
non le sceau de l’homme, mais le sien. Les yeux du monde s’étaient
tournés vers Luther ; il disparut afin d’obliger les regards à se reporter
de l’interprète de la vérité sur l’éternel Auteur de celle-ci !
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