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Chapiter 10 — Progrès de la Réforme en Allemagne
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Mais Satan ne restait pas inactif. Comme il l’avait toujours fait
dans des circonstances analogues, il tenta d’opposer à l’œuvre de la
Réforme une contrefaçon destinée à séduire et à perdre les âmes. De
même qu’il y avait au premier siècle de l’Eglise de faux christs, il
s’éleva au seizième siècle de faux prophètes.
Quelques hommes, vivement impressionnés par l’effervescence
qui régnait dans le monde religieux, et imaginant avoir reçu des révé-
lations du ciel, se dirent spécialement élus de Dieu pour parachever
l’œuvre de réforme ébauchée par Luther. En réalité, ils démolis-
saient ce que le réformateur avait édifié. Rejetant le grand principe
qui était à la base de la Réforme : la Parole de Dieu prise comme
unique règle de foi et de vie, ils substituaient à cette règle infaillible
et immuable la norme variable et incertaine de leurs sentiments et
de leurs impressions. Or, dès que l’on supprime la grande pierre
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de touche de la vérité et de l’erreur, rien n’empêche plus Satan de
dominer à sa guise sur les esprits.
L’un de ces prophètes prétendait recevoir ses instructions de
l’ange Gabriel. Un étudiant qui se joignit à lui abandonna ses études
en déclarant que Dieu lui-même l’avait investi de sa sagesse pour
expliquer les Ecritures. D’autres, enclins au fanatisme, s’associèrent
à eux. Ces enthousiastes provoquèrent une vive sensation. La prédi-
cation de Luther avait fait éprouver partout le besoin d’une réforme
et, maintenant, ces âmes réellement honnêtes étaient séduites par les
prétentions des nouveaux prophètes.
Les chefs du mouvement se rendirent à Wittenberg pour y pré-
senter leur doctrine à Mélanchthon et à ses collègues. “Nous sommes
envoyés de Dieu pour enseigner le peuple, dirent-ils. Nous avons
avec le Seigneur des conversations familières ; nous connaissons les
choses à venir ; en un mot, nous sommes apôtres et prophètes et nous
en appelons au docteur Luther.”
Les réformateurs furent étonnés et perplexes. Il y avait là un
élément qu’ils n’avaient jamais rencontré, et ils ne savaient quelle
ligne de conduite adopter. “Il y a, disait Mélanchthon, des esprits
extraordinaires dans ces hommes : mais quels esprits ? ... D’un côté,
prenons garde d’éteindre l’Esprit de Dieu et, de l’autre, d’être séduits
par l’esprit du diable.”
Les fruits du nouvel enseignement devinrent bientôt manifestes.
Les gens en étaient arrivés à négliger les Ecritures, et même à les