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Chapiter 11 — La protestation des princes
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on ne permettrait à aucun catholique d’embrasser le luthéranisme”.
Ces mesures furent adoptées par la diète à la grande satisfaction du
clergé catholique.
Si cet édit était entré en vigueur, “la Réforme n’eût pu ni s’établir
dans les lieux où elle n’avait pas encore pénétré, ni s’édifier sur de
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solides fondements dans ceux où elle existait déjà ; la restauration de
la hiérarchie romaine... y eût infailliblement ramené les anciens abus.
La moindre infraction faite à une ordonnance aussi vexatoire eût
fourni aux papistes un prétexte pour achever de détruire une œuvre
déjà fortement ébranlée. La liberté de la parole eût été supprimée.
Toute conversion nouvelle allait devenir un crime. Et l’on demandait
aux amis de la Réforme de souscrire immédiatement à toutes ces
restrictions et prohibitions.” Les espérances du monde semblaient
être sur le point de s’écrouler.
Réunis en consultation, les membres du parti évangélique se
regardaient avec stupeur. Ils se demandaient l’un à l’autre : “Que
faire ?” De très graves intérêts étaient en jeu pour le monde. “Les
chefs de la Réforme se soumettront-ils ? Accepteront-ils cet édit ?
Il serait facile, à cette heure de crise, de faire un faux pas. Que de
bonnes raisons, que de prétextes plausibles n’eût-on pas pu trouver
pour se soumettre ! On assurait aux princes luthériens le libre exer-
cice de leur religion. Le même droit était accordé à tous ceux de leurs
sujets qui avaient adopté la Réforme avant l’édit. Cela ne devait-il
pas les satisfaire ? Combien de périls la soumission n’épargnerait-
elle pas ? En revanche, à quels dangers et à quels hasards la ré-
sistance ne devait-elle pas les exposer ! Qui sait les avantages que
l’avenir peut nous apporter ? Acceptons la paix ; emparons-nous du
rameau d’olivier que Rome nous tend ; et pansons ainsi les plaies de
l’Allemagne. C’est par de semblables raisonnements que les réfor-
mateurs eussent pu justifier une ligne de conduite qui eût assuré, à
brève échéance, la ruine de la cause protestante.
” Fort heureusement, ils ne perdirent pas de vue le principe mis
à la base de l’accord proposé. Quel était ce principe ? C’était, pour
Rome, le droit de contraindre les consciences et d’interdire le libre
examen. La liberté de conscience était bien assurée aux princes
réformés et à leurs sujets, mais comme une faveur spéciale et non
pas comme un droit. A part ceux qui étaient compris dans cette
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exception, tous restaient sous le joug de l’autorité ; Rome continuait