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La Tragédie des Siècles
s’étonnait d’une telle hâte, Mélanchthon lui dit :“Un vieillard d’une
apparence grave et solennelle, mais qui m’est inconnu, vient de se
présenter à moi et m’a dit. : Dans un instant, des archers, envoyés
par Ferdinand, vont arrêter Simon Grynéus.””
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Ce même jour, Grynéus, scandalisé par un sermon de Faber, l’un
des principaux docteurs catholiques, s’était rendu chez lui et l’avait
supplié de ne plus faire la guerre à la vérité. Faber avait dissimulé
sa colère, mais s’était aussitôt rendu chez le roi et il avait obtenu
des ordres contre l’importun professeur de Heidelberg. Mélanchthon
ne doutait pas que Dieu avait sauvé son ami par l’envoi d’un de
ses saints anges. “Immobile au bord du Rhin, il attendait que les
eaux du fleuve eussent dérobé Grynéus à ses persécuteurs. Enfin,
s’écria-t-il, en le voyant sur l’autre bord, le voilà arraché aux dents
cruelles de ceux qui boivent le sang innocent.” De retour dans sa
maison, Mélanchthon apprit que des archers venaient de fouiller sa
demeure, à la recherche de Grynéus.
La Réforme devait, d’une manière plus pressante encore, s’im-
poser à l’attention des grands de la terre. Le roi Ferdinand ayant
refusé une audience aux princes évangéliques, ces derniers devaient
avoir l’occasion de présenter leur cause devant l’empereur et les
dignitaires de l’Eglise et de l’Etat réunis. Pour apaiser les dissen-
sions qui troublaient l’empire un an après la protestation de Spire,
Charles Quint convoqua à Augsbourg une diète qu’il voulut présider
en personne. Les chefs protestants y furent convoqués.
De grands dangers menaçaient la Réforme, mais ses amis et ses
défenseurs remettaient leur cause entre les mains de Dieu et s’enga-
geaient à tenir ferme pour l’Evangile. L’entourage de l’électeur de
Saxe lui conseillait de ne pas s’y rendre. L’empereur, lui disait-on,
convoque les princes pour leur tendre un piège. “N’est-ce pas courir
un trop grand risque, disaient-ils, que d’aller s’enfermer dans les
murs d’une ville avec un puissant ennemi ?” D’autres lui disaient,
pleins d’une noble confiance : “Que les princes se comportent seule-
ment avec courage, et la cause de Dieu sera sauvée !” “Dieu est
fidèle, et il ne nous abandonnera pas”, disait Luther. Accompagné
de sa suite, l’électeur se mit en route pour Augsbourg. Tous connais-
saient le péril que courait ce prince, et beaucoup se rendaient à la
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diète le cœur troublé par de sombres pressentiments. Mais Luther,
qui les accompagna jusqu’à Cobourg, ranima leur foi par le chant du