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Chapiter 11 — La protestation des princes
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fameux cantique : “C’est un rempart que notre Dieu”, écrit en cours
de route. Maint lugubre présage fut dissipé, et maint cœur accablé
fut soulagé à l’ouïe de ces strophes immortelles.
Les princes réformés avaient décidé de présenter à la diète un ex-
posé systématique de leur foi, avec les passages des saintes Ecritures
à l’appui. Cette confession, rédigée par Luther, Mélanchthon et leurs
collaborateurs, fut adoptée comme l’exposé de leurs convictions
religieuses par les protestants réunis, qui apposèrent leurs signatures
sur cet important document. C’était un moment solennel et critique.
Les réformateurs désiraient surtout ne pas mêler leur cause à la poli-
tique. Ils étaient convaincus que la Réforme ne devait pas exercer
d’influence étrangère à celle de la Parole de Dieu.
Aussi, comme les princes s’avançaient pour signer la confession,
Mélanchthon s’interposa en disant : “Ceci regarde les théologiens et
les ministres ; réservons d’autres questions à l’autorité des grands de
la terre. —A Dieu ne plaise que vous m’excluiez ! rétorqua l’électeur
Jean de Saxe ; je suis prêt à faire mon devoir sans m’inquiéter de
ma couronne ; je veux confesser le Seigneur. Mon chapeau électoral
et mon hermine ne valent pas pour moi la croix de Jésus-Christ.
Je laisserai sur la terre ces insignes de ma grandeur, mais la croix
de mon Maître m’accompagnera jusqu’aux étoiles !” Cela dit, il
apposa sa signature. Un autre dit : “Si l’honneur de Jésus-Christ,
mon Seigneur, le requiert, je suis prêt à laisser derrière moi mes
biens et ma vie. ... Plutôt renoncer à mes sujets et à mes Etats, plutôt
partir du pays de mes pères un bâton à la main, plutôt gagner ma vie
en ôtant la poussière des souliers de l’étranger, que de recevoir une
doctrine différente de celle qui est contenue dans cette confession !”
Telles étaient la foi et l’intrépidité de ces hommes de Dieu.
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Le moment de comparaître devant l’empereur arriva enfin.
Charles Quint, assis sur son trône, et entouré des électeurs et des
princes, accorda audience aux réformateurs protestants. Ces derniers
donnèrent lecture de leur confession de foi. L’auguste assemblée
entendit un clair exposé de la vérité évangélique et l’énumération
des erreurs de l’Eglise papale. C’est à juste titre que l’on a appelé
cette journée “le plus grand jour de la Réforme, et l’un des plus
beaux de l’histoire du christianisme et de celle de l’humanité”.
Quelques courtes années seulement s’étaient écoulées depuis
que le moine de Wittenberg avait dû se présenter seul devant la diète