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Chapiter 12 — La Réforme en France
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étaient revêtus des armures royales se révélaient souvent plus droits
et plus fermes que ceux qui portaient des soutanes et des mitres
épiscopales. Louis de Berquin, d’une famille noble de l’Artois,
était de ceux-là. Chevalier de la cour, cœur intrépide, gentilhomme
doublé d’un savant, il était bon, affable et de mœurs irréprochables.
“Il était, dit Crespin, grand sectateur des constitutions papistiques,
grand auditeur des messes et des sermons, observateur des jeûnes
et jours de fête. ... La doctrine de Luther, alors bien nouvelle en
France, lui était en extrême abomination.” Mais, providentiellement
amené, comme tant d’autres, à l’étude des Ecritures, il fut stupéfait
d’y trouver non les doctrines de Rome, mais celles de Luther. Dès
ce moment, il fut entièrement acquis à la cause de l’Evangile.
Tenu pour “le plus instruit des membres de la noblesse fran-
çaise”, favori du roi, il apparaissait à plusieurs, par son esprit, son
éloquence, son indomptable courage, son zèle héroïque et son in-
fluence à la cour, comme le futur réformateur de son pays. “Aussi
Théodore de Bèze dit-il que la France eût peut-être trouvé en Ber-
quin un autre Luther, si lui-même eût trouvé en François Ier un autre
Electeur.” “Il est pire que Luther”, criaient les papistes. Et, en effet,
il était plus redouté que lui par les romanistes de France. François
Ier, inclinant alternativement vers Rome et vers la Réforme, tantôt
tolérait, tantôt modérait le zèle violent des moines. Trois fois, Ber-
quin fut emprisonné par les autorités papales et trois fois relâché par
le roi qui, admirant sa noblesse de caractère et son génie, refusait de
le sacrifier à la malignité de la hiérarchie. La lutte dura des années.
Maintes fois, Berquin fut averti des dangers qu’il courait en
France et pressé de suivre l’exemple de ceux qui étaient allés cher-
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cher la sécurité dans un exil volontaire. Le timide et opportuniste
Erasme, qui, en dépit de toute sa science, ne réussit jamais à s’élever
jusqu’à la grandeur morale qui tient moins à la vie et aux honneurs
qu’à la vérité, lui écrivait : “Demandez une légation en pays étranger,
voyagez en Allemagne. Vous connaissez Bède et ses pareils : c’est
une hydre à mille têtes qui lance de tous côtés son venin. Vos adver-
saires s’appellent légion. Votre cause fût-elle meilleure que celle de
Jésus-Christ, ils ne vous lâcheront pas qu’ils ne vous aient fait périr