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Chapiter 13 — En Hollande et en Scandinavie
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spécialement parmi les classes pauvres et y exerçant, quoique peu
instruit, mais naturellement éloquent, une influence considérable.
D’une pureté incorruptible, humble, d’un commerce agréable et
d’une piété sincère et fervente, il justifiait ses enseignements par sa
vie et inspirait partout la confiance. Ses travaux provoquèrent un
grand nombre de conversions. Ses disciples dispersés et opprimés
eurent beaucoup à souffrir du fait qu’on les confondait souvent avec
les fanatiques de Munster.
Nulle part, les doctrines réformées ne furent aussi généralement
reçues qu’aux Pays-Bas. En revanche, il y eut peu de pays où leurs
adhérents eurent à endurer de plus cruelles persécutions. En Alle-
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magne, où Charles Quint avait banni la Réforme, et eût volontiers
livré tous ses adeptes au supplice du feu, les princes élevaient une
barrière contre sa tyrannie. Mais aux Pays-Bas, où sa puissance
était plus grande, les édits de persécution se suivaient de près. Lire
les Ecritures, les entendre prêcher ou en parler étaient des crimes
passibles du bûcher. Prier en secret, refuser de se prosterner devant
les images ou chanter des Psaumes, c’était également s’exposer à
la mort. Ceux qui abjuraient leurs erreurs étaient condamnés quand
même, les hommes à périr par l’épée et les femmes à être enterrées
vivantes. Des milliers de gens périrent sous le règne de ce prince
comme sous celui de son fils Philippe II.
Un jour, une famille entière fut amenée devant l’Inquisiteur sous
l’inculpation de ne pas assister à la messe et de célébrer son culte
sous son toit. Le plus jeune des fils, interrogé sur ses pratiques reli-
gieuses, répondit : “Nous nous mettons à genoux, et nous demandons
à Dieu de nous éclairer et de pardonner nos péchés ; nous le prions
pour que le règne de notre souverain soit prospère et sa vie heu-
reuse, et lui demandons de protéger nos magistrats.” Quelques-uns
des juges furent émus, ce qui n’empêcha pas le père et l’un des fils
d’être condamnés au bûcher.
La rage des persécuteurs n’était égalée que par la foi des martyrs.
Non seulement les hommes, mais des femmes délicates et des jeunes
filles déployaient un invincible courage. “Des épouses se tenaient
auprès du bûcher de leurs maris pour leur adresser des paroles de
consolation ou leur chanter des Psaumes pendant que les flammes les
dévoraient.” “Des jeunes filles entraient vivantes dans leur tombeau,
comme si elles allaient prendre le repos de la nuit ; ou elles montaient