Page 247 - La Trag

Basic HTML Version

Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française
243
Dans plusieurs provinces, les nobles étaient seuls propriétaires
fonciers, et la classe laborieuse, à la merci des propriétaires, était
soumise aux exigences les plus exorbitantes. Accablées d’impôts par
les autorités civiles et par le clergé, la classe moyenne et la classe
ouvrière étaient chargées d’entretenir à la fois l’Eglise et l’Etat. “Le
bon plaisir des nobles était considéré comme la loi suprême ; les
fermiers et les paysans pouvaient mourir de faim : leurs oppres-
seurs n’en avaient cure. ... Les intérêts exclusifs des propriétaires
devaient toujours passer en premier. La vie du travailleur agricole
était une existence de misère ; ses plaintes, si jamais il s’avisait d’en
faire entendre, étaient accueillies avec un superbe mépris. Les tri-
bunaux donnaient toujours raison au noble contre le paysan. Les
juges se laissaient publiquement acheter et les caprices des aristo-
crates avaient force de loi. En vertu de ce système, la corruption
était générale. Des impôts arrachés au peuple, la moitié à peine trou-
vait le chemin du trésor royal ou épiscopal ; le reste était gaspillé.
Et les hommes qui appauvrissaient ainsi leurs concitoyens étaient
eux-mêmes exempts d’impôts et avaient droit, de par la loi ou la
coutume, à toutes les charges de l’Etat. La Cour vivait dans le luxe
et la dissipation. Les classes privilégiées comptaient cent cinquante
mille membres et, pour suffire à leur gaspillage, des millions de
leurs concitoyens étaient condamnés à une vie de dégradation sans
issue
La cour se livrait au luxe et à la dissipation. Toutes les mesures
du gouvernement étaient considérées avec méfiance par les adminis-
trés. Avec une aristocratie endurcie et corrompue, avec des classes
[302]
inférieures indigentes et ignorantes, avec des finances obérées et
un peuple exaspéré, il n’était pas nécessaire d’être prophète pour
prédire ce qui devait arriver. En ces temps de relâchement, Louis
XV se signala pendant plus d’un demi-siècle par son indolence, sa
frivolité et sa sensualité. C’était en vain qu’on le pressait de faire
des réformes. S’il voyait le mal, il n’avait ni le courage ni le pou-
voir d’y parer. Aux avertissements de ses conseillers, il répondait
invariablement : “Tâchez de faire durer les choses aussi longtemps
que je vivrai. Après ma mort, il arrivera ce qu’il pourra.” Il ne pré-
1. Voir Appendice.