Page 250 - La Trag

Basic HTML Version

246
La Tragédie des Siècles
des rétributions était enfin venu. Ce n’étaient plus maintenant les
disciples de Jésus qu’on jetait dans les cachots et qu’on entraînait
à l’échafaud. Il y avait longtemps qu’ils avaient été ou égorgés ou
contraints de s’exiler. Rome recevait maintenant les coups mortels
de ceux qu’elle avait habitués à verser, d’un cœur léger, le sang de
leurs frères. “La persécution dont le clergé de France avait donné
l’exemple pendant tant de siècles se retournait maintenant contre lui
avec une redoutable rigueur. Le sang des prêtres ruisselait sur les
échafauds. Les galères et les prisons, autrefois pleines de Huguenots,
[305]
se peuplaient maintenant de leurs persécuteurs. Enchaînés à leur
banc et tirant l’aviron, des prêtres expérimentaient à leur tour les
supplices qu’ils avaient si gaiement infligés aux doux hérétiques
“Puis vinrent les jours où le plus barbare de tous les codes fut
appliqué par un tribunal plus barbare encore ; où nul ne pouvait
saluer son voisin ni faire sa prière sans s’exposer à commettre un
crime capital ; où des espions étaient apostés à tous les coins de
rue ; où la guillotine fonctionnait avec acharnement toute la matinée ;
où les égoûts de Paris emportaient à la Seine des flots de sang
humain... ; où des tombereaux parcouraient journellement les rues de
Paris conduisant au lieu d’exécution leurs chargements de victimes ;
où les consuls envoyés dans les départements par le Comité de Salut
public se livraient à des orgies de cruauté inconnues même dans
la capitale. Le couperet de la fatale machine montait et retombait
trop lentement pour suffire à sa tâche et de longues files de captifs
étaient fauchées par la mitraille. Pour les noyades en masse, on
défonçait des barques chargées de malheureuses victimes. Lyon
fut réduit en désert. A Arras, on refusa même aux prisonniers la
cruelle miséricorde d’une mort immédiate. Tout le long de la Loire,
de Saumur jusqu’à la mer, de grandes troupes de corbeaux et de
vautours se repaissaient de la chair des cadavres nus, entrelacés dans
de hideuses étreintes. On ne faisait grâce ni au sexe ni à l’âge. Des
jeunes gens et des jeunes filles au-dessous de dix-sept ans étaient
immolés par centaines. Les Jacobins se lançaient d’une pique à
l’autre de petits enfants arrachés au sein maternel
1. Voir Appendice.
1. Voir Appendice.