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Chapiter 16 — Les Pères pèlerins
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devant la loi
” Il affirmait que le devoir du magistrat était de punir
le crime, mais non de dominer sur les consciences. “Le magistrat,
disait-il, peut décider ce que l’homme doit à son semblable ; mais
quand il s’avise de lui prescrire ses devoirs envers son Dieu, il sort de
ses attributions. L’Etat peut établir un credo aujourd’hui et demain un
autre, comme cela s’est vu sous divers rois et reines d’Angleterre, et
comme l’ont fait différents papes et conciles de l’Eglise romaine, ce
qui rend la croyance incertaine et donne libre cours à l’arbitraire
La présence aux services religieux était obligatoire sous peine
d’amende et de prison. Williams bravait cette loi, qu’il appelait “le
pire article de la loi anglaise”. “Forcer un homme à adorer Dieu
avec des personnes ne partageant pas ses croyances c’était, selon
lui, une violation flagrante du droit privé ; traîner au culte des gens
irréligieux et indifférents, c’était cultiver l’hypocrisie. Nul ne doit
être contraint d’adorer Dieu ou de contribuer aux frais du culte. —
Quoi ! s’écriaient ses antagonistes, scandalisés de sa doctrine, Jésus
ne dit-il pas que l’ouvrier mérite d’être nourri ? — Assurément,
répliquait-il, mais par ceux qui l’emploient
.
Roger Williams était reconnu et aimé comme un fidèle ministre
de l’Evangile. Sa haute intelligence, sa charité, son intégrité incor-
ruptible lui avaient gagné le respect de la colonie. Mais on ne voulut
pas tolérer sa ferme opposition à l’ingérence du magistrat dans le do-
maine de l’Eglise, ni ses plaidoyers en faveur de la liberté religieuse.
L’introduction de cette nouvelle doctrine, disait-on, ébranlera les
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bases du gouvernement de la colonie, et on le condamna au bannis-
sement. Williams se vit ainsi obligé de s’enfuir et de chercher, en
plein hiver, un refuge dans la forêt vierge.
“Quatorze semaines durant, dit-il, par un froid glacial, j’errai sans
asile et sans pain, nourri par les corbeaux du désert, et m’abritant
le plus souvent dans le creux d’un arbre
” Il finit par trouver un
refuge auprès d’une tribu indienne dont il avait gagné l’affection et
la confiance en s’efforçant de lui enseigner l’Evangile.
Au bout de plusieurs mois, Williams arriva sur les rives de la baie
de Narragansett, où il fonda le premier Etat des temps modernes qui
1. Bancroft, lre part., chap. XV, par. 16.
2.
Martyn 5 :340
.
3. Bancroft, lre part., chap. XV, par. 2.
1.
Martyn 5 :349, 350
.