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Chapiter 17 — Les précurseurs du matin
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une partie considérable de l’Europe, de l’Afrique et de l’Amérique.
Il fut ressenti au Groenland, aux Antilles, à l’île Madère, en Nor-
vège, en Suède, en Angleterre et en Irlande, soit sur une étendue de
plus de six millions de kilomètres carrés. En Afrique, il fut presque
aussi violent qu’en Europe. La ville d’Alger fut en grande partie dé-
truite ; au Maroc, un village de huit à dix mille habitants disparut. Un
terrible raz-de-marée submergea les côtes d’Espagne et d’Afrique,
envahit des villes et occasionna des dégâts énormes.
“C’est en Espagne et au Portugal que la secousse se fit sentir
avec le plus de violence. On affirme qu’à Cadix le raz-de-marée
atteignit dix-huit mètres de hauteur. Quelques-unes des plus hautes
montagnes du Portugal furent violemment secouées ; plusieurs s’ou-
vrirent par le sommet ; des flammes en jaillirent et d’énormes blocs
de rochers furent précipités dans les vallées voisines
A Lisbonne, “le tremblement de terre qui détruisit la ville fut
précédé de sourds grondements souterrains. Puis on vit la mer se
retirer, laissant ses rives à sec, pour revenir ensuite sur elle-même et
s’élever à quelque quinze mètres au-dessus de son niveau ordinaire.
... Au nombre des événements extraordinaires qui se produisirent à
Lisbonne, on cite la disparition d’un quai tout en marbre, construit
depuis peu et à grands frais. Une immense foule s’y était réfugiée,
comme l’endroit le plus sûr pour échapper au danger des maisons
croulantes. Mais tout à coup le quai s’effondra avec toute sa cargai-
son humaine ; pas un cadavre ne revint à la surface.
”Ce tremblement de terre entraîna la chute de toutes les églises,
de tous les couvents, de presque tous les édifices publics et de plus
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du quart des maisons. Deux heures environ après la secousse, un
incendie éclata dans les différents quartiers de la ville et sévit avec
tant de violence pendant environ trois jours que Lisbonne fut en-
tièrement détruite. La catastrophe tomba sur un jour de fête, alors
que les églises et les couvents étaient combles ; peu de personnes
échappèrent. ... La terreur était indescriptible. Personne ne pleurait ;
il n’y avait pas de larmes devant un tel désastre. En proie au délire,
la population courait çà et là, hurlant, se frappant le visage et la poi-
trine en s’écriant :
Misericordia ! C’est la fin du monde !
Des mères,
oubliant leurs enfants, parcouraient les rues, chargées de crucifix.
1. Charles Lyell,
Principles of Geology, 495
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