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La Tragédie des Siècles
favoriser une attaque immédiate, elle levait le siège. Les assiégés,
désespérant du succès, parlaient déjà de se rendre, quand le général
romain battit en retraite sans la moindre raison apparente. Dieu,
dans sa miséricorde, dirigeait les événements pour le bien de son
peuple. Le signe promis avait paru, et l’occasion était donnée aux
chrétiens sur le qui-vive et à tous ceux qui le voulaient d’obéir à
l’ordre du Seigneur. Les choses tournèrent de telle façon que ni
les Juifs, ni les Romains ne s’opposèrent à leur fuite. Voyant que
l’armée se retirait, les Juifs, sortant hors des murs de Jérusalem, se
précipitèrent à sa poursuite, ce qui donna aux chrétiens l’occasion
de quitter la ville. La campagne, également, était en ce moment-là
débarrassée des ennemis qui auraient pu leur barrer la route, tandis
que les Juifs se trouvaient enfermés dans la ville à l’occasion de la
fête des Tabernacles. Les chrétiens purent donc s’enfuir sans être
molestés. Ils se réfugièrent en Pérée, au-delà du Jourdain, dans la
ville de Pella.
Les forces juives qui s’étaient jetées à la poursuite de Cestius
attaquèrent son arrière-garde avec tant d’impétuosité qu’elle fut me-
nacée d’une complète destruction ; elles rentrèrent triomphalement à
Jérusalem, chargées de butin et n’ayant essuyé que des pertes légères.
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Mais cet apparent succès les servit mal. Il leur inspira un esprit de
résistance obstiné qui, lorsque Titus en reprit le siège, attira sur la
ville des maux indescriptibles.
Jérusalem avait été investie durant la Pâque, alors qu’une multi-
tude de Juifs se trouvaient dans ses murs. Distribuées avec sagesse,
les provisions auraient pu suffire des années durant. Elles furent dé-
truites par les factions rivales des défenseurs, et bientôt les habitants
se trouvèrent réduits à une horrible famine. Plusieurs rongeaient
le cuir de leur ceinture, de leurs sandales et de leur bouclier. Une
mesure de blé se vendait un talent. Nombre de gens se glissaient,
la nuit, hors des murailles pour aller chercher quelques plantes sau-
vages à manger. Les uns étaient capturés et livrés à la torture, tandis
que ceux qui réussissaient à rentrer dans la ville étaient souvent
dépouillés des provisions qu’ils avaient si chèrement obtenues. Les
chefs infligeaient les traitements les plus inhumains aux personnes
qu’ils soupçonnaient de détenir quelque aliment. Souvent, bien nour-
ris eux-mêmes, ils visaient à se faire des réserves pour l’avenir. Des
milliers périssaient par la famine et par la, peste.