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La Tragédie des Siècles
Les nations auraient beaucoup plus de raisons de supprimer
toutes leurs lois, et de permettre à chacun d’agir à sa guise, que le
Souverain de l’univers n’en aurait d’abolir la sienne et de laisser ses
créatures sans règle condamnant le coupable et justifiant l’innocent.
Veut-on savoir quelles conséquences découleraient de l’abolition de
la loi de Dieu ? L’expérience en a été faite. Qu’on songe aux scènes
terribles qui ont marqué le triomphe de l’athéisme en France. On
a vu alors qu’on ne s’affranchit des restrictions divines que pour
subir la plus cruelle des tyrannies. Dès que l’on écarte la règle de la
justice, on invite le prince des ténèbres à établir son empire sur la
terre.
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Là où les divins préceptes sont rejetés, le péché cesse de paraître
haïssable, et la justice de sembler désirable. Ceux qui renient le
gouvernement de Dieu se rendent impropres à se gouverner eux-
mêmes. Leurs pernicieux enseignements font pénétrer dans le cœur
des enfants et des jeunes gens, peu dociles de nature, un esprit
d’insubordination ; l’anarchie et le libertinage prennent alors pied
dans la société. Tout en se moquant de la crédulité de ceux qui
observent les commandements de Dieu, les foules acceptent avec
empressement les séductions de Satan. Elles se laissent dominer par
la chair et se livrent aux péchés qui ont attiré les jugements de Dieu
sur les païens.
Ceux qui mésestiment et ravalent les commandements de Dieu
sèment et moissonneront la désobéissance. Que disparaisse entière-
ment la crainte inspirée par la loi divine, et bientôt les lois humaines
ne seront plus respectées. Parce que le décalogue interdit les pra-
tiques déshonnêtes, la convoitise du bien d’autrui, le mensonge et
la fraude, on ne craint pas de le fouler aux pieds sous prétexte qu’il
entrave la prospérité matérielle ; mais les conséquences de sa sup-
pression seraient plus redoutables qu’on ne le suppose. Si la loi
n’était plus en vigueur, pourquoi se gênerait-on de la transgresser ?
Rien ne serait plus en sûreté. On. dépouillerait son prochain, et le
plus fort serait le plus riche. La vie elle-même ne serait plus respec-
tée. Les vœux sacrés du mariage ne protégeraient plus la famille.
Celui qui en aurait le pouvoir enlèverait — si tel était son bon plaisir
— la femme de son prochain. Le cinquième commandement subirait
le même sort que le quatrième, et les enfants n’hésiteraient pas à
attenter aux jours de leurs parents, si ce crime leur permettait de