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La Tragédie des Siècles
abus sanctionnés par l’autorité de Rome. Aussi, un grand nombre
de personnes qui avaient perdu confiance en l’Eglise à la vue des
iniquités qui y prévalaient, acclamaient -elles avec une joie non dis-
simulée les vérités annoncées par Wiclef. En revanche, quand les
chefs de la hiérarchie constatèrent que l’influence de ce réformateur
primait la leur, leur fureur se déchaîna.
Alors qu’il remplissait les fonctions de chapelain du roi, Wiclef,
s’élevant contre le tribut que le pape exigeait de ce dernier, démon-
tra que les prétentions papales sur les souverains séculiers étaient
contraires à la raison et à la révélation. Sa protestation exerça sur
les esprits une influence d’autant plus grande que les exigences du
pape avaient provoqué une vive indignation parmi le peuple. Aussi
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le roi et les nobles s’unirent-ils pour s’opposer aux exigences du
pontife en tout ce qui touchait à l’autorité temporelle et à la levée
des impôts. Ce fut là un coup redoutable porté à l’autorité papale en
Angleterre.
L’institution des ordres de moines mendiants était un autre abus
contre lequel le réformateur engagea une guerre longue et achar-
née. Ces moines pullulaient à tel point en Angleterre qu’ils com-
promettaient la grandeur et la prospérité de la nation. L’industrie,
l’instruction publique, la moralité, tout se ressentait de leur perni-
cieuse influence. Leur vie d’oisiveté et de mendicité n’imposait pas
seulement au peuple un lourd fardeau, mais elle ravalait les travaux
utiles et démoralisait la jeunesse. Entraînés par leur exemple, un
grand nombre d’adolescents embrassaient la vie monacale, et cela
non seulement sans le consentement de leurs parents, mais souvent à
leur insu ou contre leur volonté. L’un des anciens Pères de l’Eglise,
élevant la vie monastique au-dessus de l’amour filial et des devoirs
qui en découlent, avait écrit : “Si tu vois ton père se coucher devant
ta porte avec pleurs et lamentations, et si ta mère te montre le corps
qui t’a porté et le sein qui t’a allaité, n’hésite pas à les fouler aux
pieds pour aller droit au Christ.” Par cette “monstrueuse inhumanité”,
comme Luther la qualifiera plus tard, inhumanité “qui rappelle plus
le loup et le tyran que l’esprit du Maître”, les enfants en venaient à
renier leurs parents
A l’instar des pharisiens, les chefs de la hiérar-
chie romaine anéantissaient le commandement de Dieu au profit de
1. Sears, Barnas,
Life of Luther, 70, 69
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