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Chapiter 5 — Jean Wiclef
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leurs traditions. Des parents étaient privés de la compagnie de leurs
fils et de leurs filles, et plongés dans la désolation. Les pauvres dupes
qui, plus tard, s’apercevaient qu’ils avaient manqué leur vie et réduit
leurs parents au désespoir avaient beau regretter leur décision : une
fois pris au piège, il leur était impossible de recouvrer leur liberté.
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Même des élèves d’universités, séduits par les discours des
moines, entraient dans leurs ordres, au point que bien des parents,
redoutant cette éventualité, renonçaient à faire étudier leurs fils. De
ce fait, le nombre des étudiants dans ces centres scolaires se trouvait
considérablement réduit. Les écoles languissaient et l’ignorance était
générale.
Le droit de confesser et de donner l’absolution que le pape avait
accordé aux moines mendiants était aussi la source de maux innom-
brables. La soif du gain les poussant à accorder le pardon même
aux pires des criminels qui s’adressaient à eux, on vit bientôt le
vice monter comme une marée. Les malades et les pauvres étaient
abandonnés ; les aumônes qui auraient dû leur être réservées allaient
aux religieux, qui les exigeaient avec menaces, et dénonçaient l’im-
piété de ceux qui les leur refusaient. Les moines faisaient profession
de pauvreté, ce qui n’empêchait pas leur fortune d’aller sans cesse
en augmentant. Leurs somptueux édifices et leurs tables richement
servies rendaient d’autant plus apparente la pauvreté de la nation.
Pendant qu’ils s’adonnaient à la bonne chère et aux plaisirs, ils se
faisaient remplacer dans leurs fonctions par des hommes incapables.
Ceux-ci ne savaient que raconter des fables, des histoires invrai-
semblables et des farces pour amuser le peuple et l’asservir plus
complètement encore. Les foules ignorantes en étaient venues à
croire qu’en somme la religion, moyen de s’assurer une place au
paradis, consistait à reconnaître la suprématie du pape, à honorer les
saints et à faire des largesses aux religieux.
Des hommes instruits et pieux avaient vainement tenté de ré-
former ces ordres. Wiclef, plus perspicace, s’attaqua à la racine du
mal, en déclarant que le système lui-même était faux, et qu’il fallait
l’abolir. Les discussions qui s’ensuivirent éclairèrent les esprits. Des
moines parcourant le pays en vendant des indulgences rencontrèrent
bien des gens qui doutaient de la possibilité d’acheter le pardon à
prix d’argent, et se demandaient sérieusement s’il n’était pas pré-
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