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Chapiter 5 — Jean Wiclef
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duire la Bible afin que tout Anglais pût lire les œuvres merveilleuses
de Dieu dans sa langue maternelle.
Mais ses travaux furent soudainement interrompus. Bien qu’il
n’eût pas encore soixante ans, il était prématurément vieilli, car ses
labeurs incessants, ses études et les attaques de ses ennemis avaient
épuisé ses forces. Les moines éprouvèrent une grande joie en appre-
nant qu’il était atteint d’une grave maladie. Imaginant qu’il devait
amèrement regretter le mal qu’il avait fait à l’Eglise, ils s’empres-
sèrent auprès de lui pour entendre sa confession. Des représentants
de quatre ordres religieux, accompagnés de quatre magistrats ci-
vils, s’étaient réunis au chevet de celui que l’on croyait moribond :
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“Vous avez la mort sur les lèvres, lui dirent-ils ; soyez touché de
vos fautes, et rétractez en notre présence tout ce que vous avez dit
à notre détriment.” Le réformateur écouta en silence ; puis, priant
son serviteur de l’aider à s’asseoir sur son lit, et regardant fixement
ceux qui attendaient sa rétractation, il leur dit de cette voix ferme et
tonnante qui les avait si souvent fait trembler : “Je ne mourrai pas,
mais je vivrai, et je raconterai les forfaits des moines
” Etonnés
et interdits, les religieux quittèrent précipitamment la chambre du
malade.
Les paroles de Wiclef s’accomplirent. Il vécut assez longtemps
pour voir entre les mains de son peuple l’arme que Rome craint le
plus, l’instrument céleste destiné à éclairer, à libérer, à évangéliser
le monde : la Parole de Dieu. Les obstacles étaient nombreux et
redoutables. Bien qu’affaibli par les infirmités, et sachant qu’il ne lui
restait que peu d’années pour travailler, calme devant l’opposition
et fortifié par les promesses de Dieu, Wiclef poursuivit courageuse-
ment son œuvre. En pleine possession de ses facultés intellectuelles,
riche en expérience, et gardé par la Providence, il put terminer cette
grande tâche, la plus importante de sa vie. Pendant que toute la
chrétienté était bouleversée, le réformateur, dans son rectorat de Lut-
terworth, sans prendre garde à la tempête qui faisait rage au-dehors,
s’appliquait paisiblement à son entreprise de prédilection.
Le moment arriva enfin où la première traduction des Ecritures
en langue anglaise vit le jour. L’Angleterre pouvait lire la Parole de
Dieu. Désormais, le réformateur ne craignait plus ni la prison, ni le
1. Merle d’Aubigné, ouv. cité, liv. XVII, ch. VII.