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La Tragédie des Siècles
bûcher. Il avait placé dans les mains de son peuple une lumière qu’on
ne pourrait plus éteindre. En donnant les Ecritures à ses concitoyens,
il avait contribué à rompre les chaînes de l’ignorance et du vice, pour
libérer et ennoblir son pays, ce que les plus brillantes victoires sur
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les champs de bataille eussent été incapables de faire.
L’art de l’imprimerie n’étant pas encore connu, ce n’est que par
un procédé lent et laborieux qu’on obtenait des exemplaires de la
Bible. L’intérêt éveillé par ce livre était tel que les nombreux copistes
qui s’offraient pour le transcrire ne parvenaient pas à répondre à
toutes les demandes. Quelques personnes riches en désiraient une
copie complète. D’autres ne pouvaient en acheter qu’un fragment.
Souvent, plusieurs familles se réunissaient pour s’en procurer un
exemplaire en commun. C’est ainsi que la traduction des Ecritures
par Wiclef ne tarda pas à se trouver entre les mains des gens du
peuple.
L’appel à la raison humaine arrachait bien des gens à leur sou-
mission passive aux dogmes de Rome. Wiclef enseignait exactement
les croyances qui caractérisèrent plus tard le protestantisme : le salut
par la foi en Jésus-Christ et l’infaillible et souveraine autorité des
saintes Ecritures. Les prédicateurs envoyés par lui répandaient la
Bible et les écrits du réformateur avec un tel succès que bientôt la
moitié du peuple anglais avait accepté la foi nouvelle.
L’apparition des saintes Ecritures jeta l’épouvante dans le camp
des dignitaires de l’Eglise. Ils avaient maintenant à combattre
quelque chose de plus puissant que Wiclef, une force contre laquelle
leurs armes avaient peu de prise. Il n’y avait alors en Angleterre au-
cune loi prohibant la diffusion des Livres saints, puisqu’ils n’avaient
jamais été publiés en langue vulgaire. Ces lois furent élaborées et
strictement mises en vigueur par la suite. En attendant, en dépit de
tous les efforts des prêtres, on jouit durant un certain temps de la
liberté de répandre la Parole de Dieu.
Pour réduire au silence la voix du réformateur, les chefs de la hié-
rarchie le firent comparaître successivement devant trois tribunaux.
Ce fut d’abord devant un synode d’évêques qui déclara hérétiques
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ses écrits, et qui, après avoir gagné à sa cause le jeune roi Richard II,
obtint une ordonnance royale décrétant l’emprisonnement de tous
les adhérents des doctrines condamnées par la cour pontificale.