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Chapiter 5 — Jean Wiclef
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Wiclef en appela hardiment du synode au Parlement, contrai-
gnant la hiérarchie à comparaître devant le conseil de la nation, et
demandant la réforme des énormes abus sanctionnés par l’Eglise. La
puissance avec laquelle il dépeignit les usurpations et la corruption
du siège papal couvrit ses ennemis de confusion. Mais ses amis et
partisans avaient plié sous l’orage, et l’on s’attendait que ce vieillard,
resté seul, se soumît à la double puissance de la couronne et de la
mitre. On assista au contraire à la défaite de ses adversaires. Tiré de
sa torpeur par les pressants appels de Wiclef, le Parlement rapporta
les édits persécuteurs et mit le réformateur en liberté.
La troisième fois, Wiclef fut cité devant un tribunal composé des
plus hauts dignitaires ecclésiastiques du royaume. Ce tribunal devait
naturellement se montrer impitoyable pour l’hérésie. Le moment
était venu où Rome allait enfin triompher, et où l’œuvre du réforma-
teur serait définitivement écrasée. Telle était du moins l’espérance
de ses adversaires. S’ils parvenaient à leurs fins, Wiclef serait forcé
ou d’abjurer ou de quitter le tribunal pour monter sur le bûcher.
Le réformateur ne fit ni rétractation ni compromis. Il soutint
hardiment ses enseignements et repoussa les accusations de ses per-
sécuteurs. S’oubliant lui-même, ainsi que sa situation, il somma ses
auditeurs de comparaître avec lui devant le tribunal de Dieu, et pesa
leurs sophismes et leurs erreurs à la balance de la vérité éternelle. Le
Saint-Esprit manifesta sa présence au point que ses auditeurs étaient
comme interdits et cloués sur leurs sièges. Semblables aux flèches
du Tout-Puissant, les paroles du réformateur transperçaient tous les
cœurs. Retournant avec force contre ses accusateurs la charge d’hé-
résie formulée contre lui, il leur demanda comment ils avaient osé
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répandre leurs erreurs, et, par amour de l’argent, faire trafic de la
grâce de Dieu.
“Contre qui prétendez-vous vous être élevés ? leur demanda-t-il
dans sa péroraison. Contre un vieillard qui a déjà un pied dans la
tombe ? Non ! C’est contre la vérité, qui est plus puissante que vous,
et qui finira par vous vaincre
” Puis il se retira de l’assemblée, sans
qu’aucun de ses adversaires osât l’arrêter.
L’œuvre de Wiclef était presque achevée ; l’étendard de la vé-
rité que ses vaillantes mains avaient si longtemps fait flotter allait
1. Wylie, liv. II, ch. XIII.