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La Tragédie des Siècles
vos ardentes prières ; qu’il mettra la prudence et la sagesse en ma
bouche, et qu’il m’accordera son Saint-Esprit pour me fortifier dans
sa vérité, de sorte que j’affronte avec courage les tentations, la prison
et, si c’est nécessaire, une mort cruelle. Jésus-Christ a souffert pour
ses bien-aimés, nous laissant son exemple, afin que nous endurions
patiemment nous-mêmes toutes choses pour notre propre salut. Il
est Dieu, et nous sommes ses créatures ; il est le Seigneur, et nous
sommes ses serviteurs ; il est le Maître du monde, et nous sommes de
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chétifs mortels ; — cependant il a souffert : pourquoi ne souffririons-
nous pas, surtout lorsque la souffrance est pour nous un moyen
de purification ?... Ainsi donc, mes bien-aimés, si ma mort doit
contribuer à sa glorification, priez pour qu’elle vienne promptement
et pour que Dieu m’accorde de supporter tous mes malheurs avec
patience. Mais s’il est préférable que je revienne au milieu de vous,
demandons à Dieu que je reparte sans tache de ce concile, c’est-à-
dire sans avoir rien retranché de la vérité de l’Evangile, afin de laisser
à mes frères un bel exemple à suivre. Peut-être ne reverrez-vous plus
mon visage à Prague ; mais si la volonté du Dieu tout-puissant
daigne me rendre à vous, avançons alors d’un cœur plus ferme dans
la connaissance et dans l’amour de sa Loi
Dans une autre lettre, adressée à un prêtre qui était devenu un
disciple de l’Evangile, Hus parle avec une profonde humilité de
ses faiblesses ; il s’accuse d’avoir pris plaisir à porter de riches
vêtements et d’avoir gaspillé des heures à des occupations frivoles.
Puis il ajoute cette touchante exhortation :
“Que la gloire de Dieu et le salut des âmes occupent seuls ton
esprit, et non la possession de bénéfices et d’héritages. ... Prends
garde à ne point orner ta maison plus que ton âme ; et donne surtout
tes soins à l’édifice spirituel. Sois pieux et humble avec les pauvres,
et ne dépense pas ton bien en festins. Si tu n’amendes ta vie et ne
t’abstiens de vêtements somptueux et de superfluités, je crains que
tu ne sois gravement châtié comme je le suis moi-même. ... Tu as
connu mes prédications et mes exhortations dès ton enfance ; il est
donc inutile que je t’écrive davantage ; mais je te conjure, par la
miséricorde de notre Seigneur, de ne me suivre dans aucune des
vanités où tu m’as vu tomber.” Il ajoutait sur l’enveloppe : “Je te
1. E. de Bonnechose, ouv. cité, vol. I.