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Le Ministère de la Guérison
de celui — bien plus grand — qui consiste à sanctionner un métier
comme celui de marchand d’alcool ?
Sans doute les droits sur l’alcool sont une source de revenus pour
le trésor public. Mais que valent ces revenus, si on les compare aux
frais énormes occasionnés par les criminels, les aliénés et les indi-
gents, victimes du trafic des boissons enivrantes ? Un homme, sous
l’influence de l’alcool, commet un crime ; il comparaît devant ses
juges, ceux-là mêmes qui sont chargés d’appliquer les lois parmi les-
quelles se trouve celle qui autorise la vente des boissons alcoolisées.
Ils ont devant eux la conséquence d’une telle loi.
En autorisant la vente d’une boisson qui rend un homme dan-
gereux, l’Etat se voit obligé d’envoyer cet homme en prison ou à
l’échafaud, alors que souvent sa femme et ses enfants sont dans le
dénuement et deviennent une charge pour la société.
A ne considérer la question que sous son aspect financier, n’est-
ce pas une folie que de tolérer un tel commerce ? Quel revenu pourra
jamais compenser la perte de la raison et de l’âme humaine, la
déformation et la disparition de l’image divine en l’homme, ainsi
que le malheur des enfants qui seront réduits à la pauvreté et à
l’avilissement ? Et il ne faut pas oublier non plus que ces enfants
transmettront à leur tour à leur postérité les tendances dégradantes
d’un père ivrogne.
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La prohibition
L’homme qui s’adonne à la boisson est dans une situation déses-
pérée. Le cerveau malade, la volonté chancelante, il n’a pas la force
de résister à sa passion. Impossible de le raisonner, de l’amener à se
corriger. Il prendra peut-être la résolution de ne plus boire ; mais dès
qu’il aura franchi le seuil du cabaret et que ses lèvres auront effleuré
le poison maudit, ses promesses et ses serments se volatiliseront,
le dernier vestige de volonté l’abandonnera. Une simple gorgée de
ce breuvage mortel lui en fera oublier toutes les conséquences. Le
cœur brisé de sa compagne, ses enfants déguenillés et affamés, tout
cela est oublié. En autorisant le commerce des spiritueux, l’Etat
sanctionne la déchéance de l’homme ; il refuse de mettre un terme à
un trafic qui remplit le monde de maux et de misère.