Page 59 - Heureux ceux qui (1995)

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La spiritualité de la loi
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“Je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te
frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre.”
Les Juifs étaient sans cesse irrités par leur contact avec les soldats
romains. Des détachements de troupes stationnaient ici et là dans
toute la Judée et la Galilée et leur présence rappelait constamment
au peuple son humiliation politique. L’âme remplie d’amertume, ils
écoutaient le son de la trompette et voyaient les troupes se ranger
autour de l’étendard de Rome, puis se prosterner pour rendre hom-
mage au symbole de sa puissance. Les querelles entre le peuple et
les soldats étaient fréquentes et elles contribuaient à enflammer la
haine populaire. Il arrivait souvent qu’un officier romain, traversant
la contrée avec son escorte, obligeât les paysans juifs qui travaillaient
dans les champs à porter des fardeaux jusqu’au sommet de la mon-
tagne ou à rendre tout autre service de ce genre. Cette manière de
faire était conforme à la loi et aux coutumes romaines, et la moindre
résistance aurait amené des insultes et des représailles de la part des
vainqueurs.
Chaque journée qui s’écoulait augmentait dans le cœur du peuple
le désir de s’affranchir du joug étranger. Cet esprit d’insurrection
était fréquent surtout parmi les rudes et intrépides Galiléens. Ca-
pernaüm, ville frontière, étant le siège d’une garnison romaine, il
se trouva qu’au moment où Jésus parlait, le passage d’un groupe
de soldats vint rappeler l’humiliation d’Israël à ses auditeurs. Le
peuple, qui voyait en Jésus celui qui devait humilier l’orgueil romain,
dirigea instinctivement ses regards dans sa direction.
Avec pitié, Jésus considère les visages de ses auditeurs tournés
vers lui. Il voit que l’esprit de vengeance les a marqués de son sceau
et il sent combien est ardent leur désir d’écraser l’oppresseur. Il les
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exhorte par ces paroles : “Je vous dis de ne pas résister au méchant.
Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre.”
Ces paroles n’étaient qu’une répétition des enseignements de
l’Ancien Testament. Il est vrai que la règle : “œil pour œil, dent
pour dent” figurait dans les lois communiquées par Moïse, mais
c’était une ordonnance juridique. Rien ne justifiait la vengeance
personnelle ; l’Éternel avait dit : “Ne te réjouis pas de la chute de ton
ennemi.” “Si ton ennemi a faim, donne-lui du pain à manger ; s’il
a soif, donne-lui de l’eau à boire. Car ce sont des charbons ardents