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Jésus-Christ
Etait-ce le Christ ? Le peuple considérait avec crainte et saisis-
sement celui qui venait d’être désigné comme étant le Fils de Dieu.
Les paroles de Jean avaient produit une émotion profonde. Il avait
parlé au nom de Dieu. On l’avait écouté, jour après jour, reprenant
les péchés, et l’on s’était, de plus en plus, convaincu qu’il était un
envoyé du ciel. Mais qui était celui-ci, que Jean-Baptiste déclarait
plus grand que lui-même ? Rien dans son apparence ne dénotait son
rang. Il avait, vêtu comme les pauvres gens, toutes les apparences
d’un homme ordinaire.
Quelques-uns, au milieu de la foule, avaient vu la gloire divine et
entendu la voix de Dieu, à l’occasion du baptême du Christ. Mais, de-
puis lors, l’apparence du Sauveur avait beaucoup changé. On l’avait
vu, à son baptême, transfiguré par la lumière du ciel ; aujourd’hui,
pâle, épuisé, amaigri, il n’était reconnu que par le prophète Jean.
En le considérant de plus près, le peuple vit un visage où la
compassion divine s’unissait au sentiment de la force. Son regard,
ses traits exprimaient l’humilité, ainsi qu’un amour indicible. Une
atmosphère d’influence spirituelle paraissait l’entourer. Aimable,
sans prétention dans ses manières, il donnait cependant l’impression
d’une puissance cachée, et pourtant visible. Etait-ce vraiment celui
qu’Israël avait si longtemps attendu ?
Jésus est venu dans la pauvreté et l’humiliation afin d’être pour
nous un exemple en même temps qu’un Rédempteur. Comment eût-
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il pu enseigner l’humilité s’il était venu entouré de pompes royales ?
Comment eût-il pu présenter des vérités aussi tranchantes que celles
contenues dans le sermon sur la montagne ? Où serait l’espoir des
petits si Jésus était venu vivre en roi parmi les hommes ?
Aux yeux des foules, toutefois, il paraissait impossible que celui
que Jean leur avait désigné pût réaliser leurs hautes ambitions. C’est
pourquoi beaucoup furent déçus et restèrent perplexes.
Prêtres et rabbins attendaient de Jésus la promesse d’un prompt
rétablissement du royaume d’Israël : elle ne vint pas. Ils attendaient
avec anxiété un tel roi, et ils l’eussent reçu. Ils n’étaient pas prêts à
accueillir celui qui cherchait à établir dans leurs cœurs un royaume
de justice et de paix.
Le lendemain, Jean, ayant à côté de lui deux de ses disciples,
reconnut de nouveau Jésus dans la foule. Une fois de plus la lu-
mière de l’Invisible éclaira le visage du prophète, qui s’écria : “Voici