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Jésus-Christ
des siècles ce vase d’albâtre brisé dirait le grand amour dont Dieu a
aimé une race coupable.
L’acte de Marie faisait un contraste violent avec celui que Judas
était sur le point d’accomplir. Quelle dure leçon le Christ aurait pu
donner à cet homme qui déposait des germes de médisance et de
malice dans l’esprit des disciples ! Avec quel à-propos l’accusateur
aurait pu être accusé à son tour ! Celui qui discerne les mobiles de
tous les cœurs et qui comprend chacune de nos actions aurait pu
découvrir de sombres chapitres de l’expérience de Judas devant ceux
qui assistaient à la fête. Il eût été facile de dévoiler la vanité des
prétentions du traître ; car loin d’aimer les pauvres, il dérobait l’ar-
gent destiné à les soulager. Il eût été facile de soulever l’indignation
contre lui en montrant comment il opprimait la veuve, l’orphelin et
le mercenaire. Mais si le Christ avait démasqué Judas, on l’aurait
rendu responsable de la trahison. Et si Judas avait été accusé de vol,
il aurait trouvé des sympathies même parmi les disciples. Le Sauveur
ne lui adressa aucun reproche, évitant ainsi d’offrir un prétexte à sa
perfidie.
Mais Judas comprit, par le regard de Jésus, que le Sauveur dis-
cernait son hypocrisie et voyait combien son caractère était vil et
méprisable. De plus, faire l’éloge de l’acte de Marie, c’était blâmer
Judas. Jusqu’alors, le Sauveur ne l’avait jamais repris directement.
Cette réprimande rongeait le cœur du mauvais disciple qui résolut
de se venger. En sortant du souper il se rendit directement au palais
du souverain sacrificateur, où il trouva le conseil réuni, et il s’offrit
à livrer Jésus entre leurs mains.
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Les prêtres furent au comble de la joie. Le privilège leur avait été
offert de recevoir le Christ comme leur Sauveur sans rien payer. Mais
ils avaient refusé le précieux don qui leur était offert avec un amour
plein de tendresse. Après avoir refusé le salut qui vaut beaucoup
plus que de grandes quantités d’or, ils achetaient maintenant leur
Seigneur pour trente pièces d’argent.
Judas avait cultivé l’avarice au point que tous les bons traits de
son caractère en avaient été neutralisés. Il enviait ce qui était offert à
Jésus. L’envie dévorait son cœur en voyant le Sauveur recevoir un
don digne d’un monarque terrestre. Il vendit son Maître pour une
somme inférieure à celle qu’avait coûté le vase de parfum.