Le sacrifice d’Isaac
            
            
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              dit un adieu éternel au sol natal et aux sépulcres de ses pères. Il
            
            
              avait erré en étranger dans le pays qui devait lui échoir et longtemps
            
            
              soupiré après la naissance de l’héritier promis. Sur un ordre d’en
            
            
              haut, il avait banni de son foyer son fils Ismaël. Et maintenant que
            
            
              l’enfant tant désiré est arrivé à une belle adolescence, et que le pa-
            
            
              triarche commence à entrevoir le fruit de ses espérances, il entend,
            
            
              glacé d’horreur, une voix qui lui dit : “Prends ton fils, ton unique,
            
            
              celui que tu aimes, Isaac ; va-t-en au pays de Morija, et là, offre-le
            
            
              en holocauste
            
            
            
            
              ”
            
            
              Isaac était non seulement le rayon de soleil de son père, la conso-
            
            
              lation de sa vieillesse, mais par-dessus tout l’héritier de la promesse.
            
            
              Ce fils, dont la perte par accident ou par une maladie eût déchiré le
            
            
              cœur d’Abraham et fait pencher sa tête blanchie, ce fils, il lui est
            
            
              ordonné d’aller l’immoler de sa propre main ! Cet ordre lui paraît
            
            
              tout d’abord épouvantable et impossible, et Satan s’empresse de lui
            
            
              suggérer qu’il est victime d’une illusion, puisque la loi divine lui dit :
            
            
              “Tu ne tueras point”, et que Dieu ne peut exiger ce qu’il a défendu.
            
            
              Le patriarche sort de sa tente et contemple la paisible clarté d’un
            
            
              firmament sans nuages. Il se rappelle la promesse qui lui a été faite,
            
            
              près de cinquante ans plus tôt, selon laquelle sa postérité sera innom-
            
            
              brable comme les étoiles. Or, cette promesse doit être accomplie en
            
            
              Isaac ; comment se résoudre à le mettre à mort ? Abraham est tenté
            
            
              de croire qu’il est, en effet, victime d’une hallucination. Dans sa
            
            
              perplexité et son angoisse, il se courbe sur le sol et prie comme il
            
            
              n’a jamais prié. Il demande à Dieu, s’il doit accomplir cette horrible
            
            
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              mission, de lui donner une confirmation quelconque de cet ordre.
            
            
              Songeant aux anges qui lui ont été envoyés pour lui révéler le sort de
            
            
              Sodome et lui ont annoncé la naissance de ce fils, il se rend sur les
            
            
              lieux où il a plusieurs fois rencontré les messagers célestes, espérant
            
            
              les y rencontrer et recevoir d’eux des instructions plus complètes.
            
            
              Mais aucun d’eux ne vient soulager son cœur. Dans les ténèbres
            
            
              dont son esprit semble enveloppé, seul l’ordre terrible retentit à ses
            
            
              oreilles : “Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac.”
            
            
              L’injonction est donc péremptoire ; d’ailleurs, le jour approche ; il
            
            
              faut partir ; Abraham n’ose plus tarder.
            
            
              * .
            
            
              Genèse 22 :2