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La Tragédie des Siècles
n’est pas ce moine qui fera jamais de moi un hérétique.” Mais le
courage et la fermeté dont il faisait preuve maintenant, aussi bien
que la puissance et la clarté de son raisonnement, surprirent tous
les partis. Plein d’admiration, l’empereur s’écria : “Ce moine parle
avec un cœur intrépide et un indomptable courage.” Et plusieurs des
princes allemands contemplaient ce représentant de leur nation avec
une satisfaction mêlée d’orgueil.
Les amis de la curie romaine étaient battus : leur cause apparais-
sait sous le jour le plus défavorable. Pour garder leurs positions, ils
eurent recours, non aux Ecritures, mais à des menaces, l’argument
ordinaire de Rome. L’orateur de la diète, s’adressant à Luther, lui
cria : “Si tu ne te rétractes, l’empereur et les Etats de l’empire ver-
ront ce qu’ils auront à faire envers un hérétique obstiné.” Puis on le
pria de se retirer pendant que les princes délibéreraient.
A ces paroles Luther répondit calmement : “Dieu me soit en
aide, car je ne puis rien rétracter.”
Une heure grave avait sonné, chacun en avait la conviction. L’obs-
tination du réformateur à ne rien rétracter pouvait affecter l’histoire
de l’Eglise pendant des siècles. On décida de lui donner une dernière
occasion. Il fut ramené devant l’assemblée. Une fois de plus, on lui
demanda s’il voulait renoncer à ses doctrines. Ses paroles furent :
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“Je n’ai point d’autre réponse à faire que celle que j’ai faite.” Il était
évident que ni les promesses ni les menaces ne réussiraient à le faire
céder aux désirs de ses adversaires.
Vexés de voir bravée par un simple moine une puissance devant
laquelle princes et rois avaient tremblé, les chefs de l’Eglise étaient
impatients de lui faire éprouver, par la torture et la mort, les effets de
leur colère. Conscient de ces dangers, Luther avait parlé devant tous
avec le calme et la dignité qui conviennent à un chrétien. Il n’y avait
eu dans ses paroles ni calomnie, ni orgueil, ni acrimonie. S’oubliant
lui-même et oubliant les grands personnages qui l’entouraient, il
n’avait eu en vue qu’une chose : la présence d’un Etre infiniment
supérieur aux papes, aux prélats et aux rois. Le Sauveur avait parlé
par la bouche de son serviteur avec une puissance et une élévation
qui avaient, pour un temps, surpris et émerveillé amis et ennemis.
L’Esprit de Dieu, présent dans cette assemblée, avait agi sur le cœur
des chefs de l’empire. Plusieurs des princes reconnurent hardiment
la justice de la cause de Luther. Un grand nombre d’entre eux furent