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Chapiter 10 — Progrès de la Réforme en Allemagne
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les plus rigoureuses contre ses adhérents. Mais voyant que l’œuvre
de l’Evangile était en danger, il se lança courageusement dans la
mêlée au nom de l’Eternel.
Dans une lettre à l’électeur, après avoir annoncé son intention
de quitter la Wartbourg, il ajoutait : “Il faut que votre Altesse sache
que je me rends à Wittenberg sous une protection plus puissante que
celle d’un électeur. Je ne pense nullement à solliciter le secours de
votre Altesse ; et bien loin de désirer qu’elle me protège, je voudrais
plutôt la protéger moi-même. Si je savais que votre Altesse voulût
ou pût me protéger, je n’irais pas à Wittenberg. Aucune épée ne peut
venir en aide à cette cause, c’est Dieu seul qui doit agir, sans secours
ni concours humain. C’est celui qui a le plus de foi qui protège le
plus.”
Dans une seconde lettre, écrite en cours de route, il déclarait :
“Je suis prêt à accepter la défaveur de votre Altesse et la colère
du monde entier. Les habitants de Wittenberg ne sont-ils pas mes
ouailles ? N’est-ce pas Dieu qui me les a confiés ? Et ne dois-je pas,
s’il le faut, pour eux m’exposer à la mort ? Je crains d’ailleurs de voir
éclater en Allemagne une grande révolte, par laquelle Dieu punira
notre nation.”
C’est avec prudence et humilité, et pourtant avec une grande
fermeté qu’il se remit à la tâche. “C’est par la Parole qu’il faut
combattre, disait-il ; par la Parole qu’il faut renverser et détruire ce
qui a été fondé par la violence. Je ne veux pas qu’on emploie la
force contre les superstitieux, ni contre les incrédules. ... Nul ne doit
être contraint. La liberté est l’essence de la foi.”
Le bruit ne tarda pas à se répandre dans Wittenberg que Luther
était de retour et qu’il allait prêcher. On accourut de toutes les direc-
tions et l’église fut bientôt pleine à déborder. Le réformateur monta
en chaire, instruisit, exhorta, censura avec une grande sagesse et une
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grande douceur. Parlant de ceux qui s’étaient livrés à des actes de
violence pour abolir la messe, il déclara :
“La messe est une mauvaise chose ; Dieu en est l’ennemi ; elle
doit être abolie ; et je voudrais qu’elle fût, dans l’univers entier,
remplacée par la Cène de l’Evangile. Mais que l’on n’en arrache per-
sonne avec violence. C’est à Dieu qu’il faut remettre la chose. C’est
sa Parole qui doit agir, et non pas nous. Vous demandez pourquoi ?
— Parce que je ne tiens pas le cœur des hommes dans ma main