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Chapiter 10 — Progrès de la Réforme en Allemagne
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tous à crier :
L’Esprit ! l’Esprit !
Je ne les suivrai certes pas là où
leur esprit les mène ! Que Dieu, dans sa miséricorde, me préserve
d’une Eglise où il n’y a que des saints. Je veux demeurer là où il y
a des humbles, des faibles, des malades, qui connaissent et sentent
leur péché, qui soupirent et crient sans cesse à Dieu, pour obtenir sa
consolation et son secours.”
Thomas Munzer, le plus actif de ces fanatiques, était doué de
grands talents qui, sagement employés, lui eussent permis de faire du
bien ; mais il n’avait pas appris les premiers éléments de la religion.
“Possédé du désir de réformer le monde, il oubliait, comme tous
les enthousiastes, que c’était par lui-même que la réforme devait
commencer.” Ambitieux, il n’admettait aucune direction, pas même
celle de Luther. Il déclarait qu’en substituant l’autorité de la Parole
de Dieu à celle du pape, les réformateurs n’avaient fait que ramener
la papauté sous une nouvelle forme. Il prétendait avoir reçu le mandat
du ciel d’établir la vraie réforme. “Celui qui possède cet esprit, disait-
il, possède la vraie foi, quand même il ne verrait jamais l’Ecriture
sainte.”
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Jouets de leurs impressions, ces illuminés considéraient toutes
leurs pensées comme la voix de Dieu. Ils se laissaient aller aux pires
extrémités, jusqu’à jeter la Bible au feu, en disant : “La lettre tue,
mais l’esprit vivifie.” Les enseignements de Munzer donnaient toute
satisfaction à ceux qui demandaient du merveilleux, en même temps
qu’ils flattaient leur orgueil en plaçant virtuellement les idées et les
opinions humaines au-dessus de la Parole de Dieu. Des milliers de
gens se rangeant à sa doctrine, il dénonça bientôt tout ordre dans
le culte public et déclara que rendre obéissance aux princes, c’était
vouloir servir Dieu et Bélial.
Le peuple, qui commençait à rejeter le joug du pape, devenait
également impatient sous le joug de l’autorité civile. Les enseigne-
ments révolutionnaires de Munzer, qui les présentait comme venant
de Dieu, l’amenèrent à renoncer à toute espèce de frein et à donner
libre cours à ses penchants et à ses passions. Il en résulta des scènes
grotesques, des séditions et des violences, au point que certaines
contrées de l’Allemagne furent inondées de sang.
Luther revécut alors les heures d’agonie passées autrefois à Er-
furt. Les princes du parti romain déclaraient — et beaucoup de gens
étaient disposés à ajouter foi à leur affirmation — que cette révolu-