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Chapiter 10 — Progrès de la Réforme en Allemagne
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comme la source de toute vérité religieuse et de toute connaissance.
Le rationalisme idolâtre la raison et en fait le critère de la religion.
Le romanisme réclame pour le souverain pontife une inspiration
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qui — dérivée d’une succession ininterrompue depuis les jours des
apôtres — cache tous les genres d’extravagances et de falsifications
sous le manteau sacré du mandat apostolique. L’inspiration dont se
réclamaient Munzer et ses collaborateurs procédait des divagations
de leur imagination et ne reconnaissait aucune autorité soit divine
soit humaine. Le christianisme, au contraire, voit dans la Parole de
Dieu le grenier d’abondance de la vérité inspirée et la pierre de
touche de toute inspiration.
A son retour de la Wartbourg, Luther acheva sa traduction du
Nouveau Testament. Peu après, l’Evangile était donné au peuple
allemand dans sa propre langue. Tous les amis de la vérité ac-
cueillirent cette traduction avec une grande joie, tandis qu’elle fut
rejetée avec mépris par les partisans de la tradition et des comman-
dements d’hommes.
A la pensée que le peuple serait désormais en possession des
oracles de Dieu, qu’il pourrait discuter avec eux sur la religion et
dévoiler leur ignorance, les prêtres s’alarmèrent. Les armes de leur
raisonnement charnel se trouvaient impuissantes contre l’épée de
l’Esprit. Aussi Rome fit-elle appel à toute son autorité pour empêcher
la diffusion des saintes Ecritures. Mais les décrets, les anathèmes et
les tortures furent inutiles. Plus se multipliaient les condamnations
et les défenses, plus on se montrait désireux de connaître l’enseigne-
ment de la Parole de Dieu. Tous ceux qui savaient lire voulaient en
faire une étude personnelle. On la portait avec soi, on la lisait, on la
relisait et on ne se donnait aucun repos avant d’en avoir appris par
cœur des portions considérables. En voyant la faveur avec laquelle le
Nouveau Testament était accueilli, Luther se mit aussitôt en devoir
de traduire aussi l’Ancien Testament, qu’il publia par fragments.
Ses ouvrages recevaient un accueil empressé dans les villes et
dans les villages. “Ce que Luther et ses amis composaient, d’autres
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le répandaient. Des moines, convaincus de l’illégalité des liens mo-
nastiques, désireux de faire succéder une vie active à leur longue
paresse, mais trop ignorants pour annoncer eux-mêmes la Parole de
Dieu, parcouraient les provinces, les hameaux, les chaumières en