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Chapiter 12 — La Réforme en France
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tout entière. En conséquence, ils firent afficher dans toute la France
des placards attaquant la messe. Au lieu d’avancer la cause de la
Réforme, cet acte d’un zèle inconsidéré déchaîna la persécution non
seulement sur ses auteurs, mais aussi sur les amis de l’Evangile
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dans tout le pays. Il donna à la hiérarchie ce qu’elle attendait depuis
longtemps : un prétexte pour demander l’extirpation des hérétiques,
considérés comme dangereux pour la stabilité du trône et la paix de
la nation.
Une main secrète — celle d’un ami imprudent ou d’un ennemi
perfide, ce mystère n’a jamais été éclairci — plaça l’une de ces
affiches sur la porte de la chambre particulière du roi. Ce placard
attaquait avec virulence une superstition entourée de respect depuis
des siècles. Devant la hardiesse incroyable qui osait porter cette
accusation effrayante sous ses yeux, François Ier entra dans une
violente colère. Dans sa consternation, il resta quelques instants tout
interdit. Revenu à lui, il laissa éclater sa fureur. Il s’écria : “Qu’on
saisisse indistinctement tous ceux qui sont suspects de
luthérésie
...,
je veux tout exterminer
” Les dés en étaient jetés : le roi s’était
rangé du côté de Rome.
Des mesures furent aussitôt prises pour arrêter tous les luthé-
riens de Paris. Un pauvre artisan adhérent de la foi nouvelle, qui
s’était employé à convoquer les croyants aux assemblées secrètes,
fut sommé, sous peine d’être brûlé, de conduire l’émissaire du pape
au domicile de tous les protestants de Paris. Tout d’abord, il recula
d’horreur devant une telle besogne : mais la crainte du bûcher finit
par l’emporter et il consentit à trahir ses frères. Accompagné du
traître précédé de l’hostie et entouré d’un cortège de prêtres, de
porteurs d’encensoirs, de moines et de soldats, Morin, le policier
royal, parcourut lentement les rues de Paris. La démonstration était
ostensiblement en l’honneur du “saint sacrement” ; en réalité, c’était
une réplique hypocrite, meurtrière et impitoyable à l’attaque malavi-
sée dirigée contre la messe par les réformateurs. Arrivé en face de
la maison d’un luthérien, le traître, sans proférer une parole, faisait
un signe. La procession s’arrêtait ; on entrait dans la maison ; les
occupants étaient aussitôt enchaînés, et la procession continuait sa
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marche à la recherche de quelque nouvelle victime. “Il n’épargnait
1. Merle d’Aubigné,
Hist. de la Réformation au temps de Calvin
, liv. IV, chap. x.