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Chapiter 12 — La Réforme en France
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les enseignements luthériens avaient pénétré les hommes qui oc-
cupaient le premier rang dans l’estime publique par leur science,
leur influence et l’excellence de leur caractère. Soudain, des postes
d’honneur et de confiance se trouvèrent vacants. Des artisans, des
imprimeurs, des auteurs, des professeurs d’université et même des
courtisans disparurent. Des centaines d’hommes s’enfuirent de Pa-
ris et s’exilèrent volontairement. Beaucoup d’entre eux donnèrent
alors la première preuve de leur sympathie pour la foi réformée.
Les papistes, voyant avec stupéfaction le grand nombre d’hérétiques
insoupçonnés qui avaient été tolérés au milieu d’eux, tournèrent leur
fureur contre la multitude de victimes plus humbles qui tombaient
en leur pouvoir. Les prisons regorgeaient, et l’atmosphère elle-même
semblait obscurcie par la fumée des bûchers allumés pour brûler les
confesseurs de l’Evangile.
François Ier s’était glorifié d’être un des créateurs de la Renais-
sance des lettres qui marqua le commencement du XVIe siècle.
Il s’était plu à attirer à sa cour des hommes érudits de tous pays.
C’est à son amour des lettres et à son mépris pour l’ignorance et
la superstition des moines qu’était dû, au moins en partie, le degré
de tolérance qu’il avait accordé à la Réforme. Mais dans l’ardeur
de son zèle contre l’hérésie, “le
père des lettres
fit une ordonnance
portant, sous peine de la hart,
l’abolition de l’imprimerie
dans toute
la France ! Cet édit ne fut pas exécuté ; il est, toutefois, un indice de
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l’esprit qui animait les ennemis de la Réforme
” François Ier est
l’un des nombreux exemples de l’histoire montrant que l’intolérance
religieuse et la persécution peuvent fort bien être le fait de personnes
éprises de culture intellectuelle.
Par une cérémonie solennelle et publique, la France devait
prendre définitivement parti contre le protestantisme. Les prêtres
demandèrent que l’affront fait au ciel par les attaques contre la messe
fût lavé dans le sang et que le roi, au nom du peuple, sanctionnât
cette barbare entreprise. Un chroniqueur du temps, Simon Fontaine,
docteur de Sorbonne, nous en a laissé le récit détaillé.
Le 21 janvier 1535, une foule innombrable était rassemblée de
toute la contrée environnante. “Il n’y avait tant soit petit bout de bois
ou de pierre saillant des murailles qui ne fût chargé, pourvu qu’il y
1. Merle d’Aubigné,
Hist. de la Réformation au temps de Calvin
, chap. XII, p. 183.