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La Tragédie des Siècles
La foule des incrédules, en proie à une terreur secrète à la pensée
que le message pût être vrai, avait observé une certaine réserve,
et ce sentiment ne disparut pas aussitôt après la date fatidique. Ils
n’osèrent pas, tout d’abord, devant ces gens plongés dans la tristesse,
se prévaloir de leur triomphe. Mais, ne voyant paraître aucun signe
de la colère de Dieu, ils s’enhardirent et donnèrent libre cours aux
moqueries et aux sarcasmes. Beaucoup de ceux qui avaient prétendu
croire au retour du Christ renoncèrent à leur foi. Quelques-uns, qui
avaient affiché une grande assurance, étaient tellement blessés dans
leur amour-propre qu’ils auraient voulu se retirer du monde. Comme
Jonas, ils murmuraient contre Dieu, la mort leur paraissant préférable
à la vie. Ceux qui avaient fait reposer leur foi sur les opinions des
autres et non sur la Parole de Dieu étaient maintenant prêts à changer
de croyance. Les moqueurs attirèrent les faibles et les lâches dans
leurs rangs, et tous s’unirent pour affirmer que, désormais, il n’y
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avait plus de raisons de craindre ou d’attendre quoi que ce fût. Le
temps avait passé, le Seigneur n’était pas revenu et le monde pouvait
rester tel quel encore des milliers d’années !
Les croyants sincères avaient tout abandonné pour leur Sau-
veur. Jouissant de sa présence comme jamais auparavant, ils étaient
convaincus d’avoir donné au monde l’avertissement suprême. S’at-
tendant à être bientôt reçus auprès de leur divin Maître et des anges,
ils s’étaient presque entièrement retirés de la société de ceux qui
avaient refusé le message. Ils avaient fait monter vers le ciel cette
prière ardente : “Viens, Seigneur Jésus !” Et il n’était pas venu !
Reprendre le harnais des tracas et des soucis de la vie, et, surtout,
affronter les lazzis et les railleries d’un monde profane, c’était pour
leur foi et leur patience une épreuve effrayante.
Pourtant, cette déception n’était pas aussi grande que l’avait été
celle des disciples lorsque le Sauveur était entré triomphalement
dans Jérusalem. Croyant leur Maître sur le point de prendre pos-
session du trône de David et de délivrer Israël de ses oppresseurs,
débordants de joie, ils avaient rivalisé de zèle pour honorer leur Roi.
Plusieurs avaient fait de leurs vêtements ou de branches de palmiers
un tapis sur son chemin. Dans leur enthousiasme, ils avaient poussé
cette joyeuse acclamation : “Hosanna au Fils de David !” Quand
les pharisiens, troublés et irrités par ces joyeuses manifestations,
avaient invité Jésus à reprendre ses disciples, il leur avait répondu :