Dans la maison de Simon
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Tandis que ces complots se tramaient à Jérusalem, Jésus et ses
amis étaient invités au banquet de Simon. Le Sauveur se tenait à
table, ayant à l’un de ses côtés Simon, qu’il avait guéri d’une maladie
repoussante ; à l’autre, Lazare, qu’il avait relevé d’entre les morts.
Marthe servait tandis que Marie écoutait avec ferveur chaque parole
sortant des lèvres du Maître. Dans sa miséricorde, Jésus lui avait
pardonné ses péchés et avait rappelé du tombeau son frère bien-
aimé : le cœur de Marie était donc rempli de gratitude. Elle avait
entendu Jésus parler de sa mort prochaine ; son profond amour et sa
grande tristesse lui inspirèrent le désir de lui rendre des honneurs
anticipés. En s’imposant un grand sacrifice, elle réussit à se procurer
un vase d’albâtre, plein “d’un parfum de nard pur de grand prix”,
afin d’oindre le corps du Christ. Mais maintenant que plusieurs
assuraient qu’il allait être couronné roi, sa douleur se changeait en
joie et elle était impatiente d’apporter les premiers hommages à son
Seigneur. Ayant brisé son vase de parfum, elle en répandit le contenu
sur la tête et sur les pieds de Jésus et ensuite, s’étant agenouillée, elle
arrosa ceux-ci de ses larmes et les essuya avec ses longs cheveux
flottants.
Elle avait espéré passer inaperçue, mais le parfum, en se répan-
dant dans la salle, attira l’attention de tous les assistants. Judas jugea
sévèrement cet acte et, sans attendre que le Christ eût manifesté son
opinion, il se mit à murmurer et se plaignit à ceux qui se trouvaient
près de lui, se risquant même à blâmer son Maître d’avoir permis un
tel gaspillage. Par d’habiles insinuations, il tenta de communiquer
son mécontentement.
Judas, trésorier des disciples, avait secrètement soutiré, pour son
propre usage, de l’argent à la bourse commune, diminuant ainsi
leurs ressources déjà si modestes. Il était toujours pressé de mettre
dans la bourse tout ce qu’il pouvait obtenir. On puisait souvent dans
la caisse pour soulager les pauvres ; et, chaque fois qu’on achetait
quelque chose qui ne lui paraissait pas indispensable, Judas disait :
A quoi bon cette perte ? Pourquoi n’en a-t-on pas mis le prix dans
la bourse destinée aux pauvres ? L’action de Marie offrait un tel
contraste avec l’égoïsme de Judas que ce dernier en fut honteux ;
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selon son habitude, il essaya de légitimer son blâme. S’adressant
aux disciples, il demanda : “Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum
trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ? — Il disait cela,