Page 116 - La Trag

Basic HTML Version

112
La Tragédie des Siècles
les porter sur Jésus-Christ.
Tetzel continuant son trafic, Luther résolut de protester énergi-
quement contre ces criants abus. Il en eut bientôt l’occasion. L’église
du château de Wittenberg possédait plusieurs reliques qu’en certains
jours de fête on exhibait aux yeux du peuple. Ces jours-là, une indul-
gence plénière était accordée à ceux qui, après avoir visité l’église,
faisaient leur confession. L’affluence à ces fêtes était considérable.
L’une des plus importantes, celle de la Toussaint, approchait. Le
jour précédent, Luther, en présence d’une foule de fidèles, afficha
sur la porte de l’église un placard portant quatre-vingt-quinze thèses
contre la doctrine des indulgences. Ces thèses, il se déclarait prêt à
les défendre, le lendemain, à l’université, contre toute personne qui
croirait devoir les attaquer.
Ces propositions attirèrent l’attention générale. Elles furent lues,
relues et répétées dans toute la région. Une grande agitation régnait
à l’université et dans toute la ville. Ces thèses établissaient que le
pouvoir de pardonner les péchés et d’en remettre la peine n’avait
jamais été confié ni au pape, ni à aucun homme. La vente des indul-
gences n’était qu’un moyen artificieux d’extorquer de l’argent, une
exploitation de la crédulité publique, une ruse de Satan pour détruire
les âmes. Luther y déclarait en outre que l’Evangile du Christ est
le trésor le plus précieux de l’Eglise, et que la grâce de Dieu qui
s’y révèle est gratuitement accordée à quiconque la recherche par la
conversion et la foi.
Les thèses de Luther sollicitaient la contradiction. Mais personne
n’osa relever le défi. Ses propositions firent en quelques jours le
tour de l’Allemagne, et en quelques semaines, celui de la chrétienté.
Un grand nombre de catholiques pieux, qui avaient pleuré sur les
maux de l’Eglise sans entrevoir aucun moyen de les guérir, lurent
ces thèses avec une joie d’autant plus grande qu’ils y entendaient la
[138]
voix de Dieu. Ils eurent l’impression que le Seigneur était finalement
intervenu pour arrêter le flot montant de la corruption. Des princes
et des magistrats se réjouirent secrètement de ce qu’un frein allait
être mis à la puissance arrogante qui déniait au monde le droit d’en
appeler de ses décisions.
En revanche, les foules attachées au péché et à la superstition
furent terrifiées en voyant réduits en poussière les sophismes qui
avaient calmé leurs craintes. Transportés de colère, de rusés ecclé-