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La Tragédie des Siècles
Lorsqu’il pensait à lui-même, Luther tremblait de se voir dressé
seul en face des plus grandes puissances de la terre. Il se demandait
parfois si c’était bien Dieu qui l’avait poussé à résister à l’autorité
de l’Eglise. “Qui étais-je alors, s’écrie-t-il, moi pauvre, misérable,
méprisable frère, plus semblable à un cadavre qu’à un homme,
qui étais-je pour m’opposer à la majesté du pape devant laquelle
tremblaient les rois de la terre et le monde entier ? ... Personne ne
peut savoir ce que mon cœur a souffert dans ces deux premières
années, et dans quel abattement, je pourrais dire dans quel désespoir,
j’ai souvent été plongé.” Mais Dieu ne le laissa pas sombrer dans
le découragement. Les appuis humains lui faisant défaut, il regarda
à Dieu seul, et apprit à se reposer en toute sécurité sur son bras
puissant.
Luther écrivait à un ami de la Réforme : “Il est très certain qu’on
ne peut parvenir à comprendre les Ecritures ni par l’étude, ni par
l’intelligence. Votre premier devoir est donc de commencer par la
prière. Demandez au Seigneur qu’il daigne vous accorder, en sa
grande miséricorde, la véritable intelligence de sa Parole. Il n’y a
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point d’autre interprète de la Parole de Dieu que l’Auteur même de
cette Parole, selon ce qu’il a dit :
Ils seront tous enseignés de Dieu
.
N’espérez rien de vos travaux, rien de votre intelligence ; confiez-
vous uniquement en Dieu et en l’influence de son Esprit. Croyez-en
un homme qui en a fait l’expérience.” Il y a là un enseignement
vital pour toute personne qui se sent appelée de Dieu à présenter au
monde les vérités solennelles relatives à notre temps. Ces vérités
provoqueront l’inimitié de Satan et celle des hommes qui aiment
l’erreur. Dans le conflit avec les puissances du mal, il faut plus
qu’une haute intelligence et une sagesse purement humaine.
Quand ses ennemis en appelaient aux usages et à la tradition,
aux déclarations et à l’autorité du pape, Luther leur répondait par
les Ecritures et les Ecritures seules. Il trouvait là des arguments
irréfutables ; aussi les suppôts du formalisme et de la superstition
demandaient-ils son sang comme les Juifs avaient réclamé celui de
Jésus. “C’est un crime de haute trahison contre l’Eglise, disaient
les zélateurs de Rome, que de laisser vivre une heure de plus un si
horrible hérétique. Qu’on lui dresse à l’instant même un échafaud !”
Mais Luther ne fut pas victime de leur fureur. Le Dieu dont il était
l’ouvrier envoya ses anges pour le protéger. En revanche, plusieurs