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La Tragédie des Siècles
Calvin avait été destiné à la prêtrise. A l’âge de douze ans,
nommé chapelain de la petite église de la Gésine, il avait été tonsuré
selon les canons de l’Eglise par l’évêque de Noyon. Il n’avait pas
reçu les ordres, ni rempli de fonctions sacerdotales, mais il était
entré dans le clergé et portait le titre de sa charge, dont il recevait
les bénéfices.
Voyant qu’il ne pouvait plus devenir prêtre, il se tourna vers
l’étude du droit, dessein qu’il abandonna bientôt pour se consacrer
entièrement à l’Evangile. Il hésitait toutefois à devenir prédicateur.
Naturellement timide, il avait une haute idée des responsabilités de
cette vocation et songeait à poursuivre ses études. L’insistance de
ses amis finit cependant par vaincre ses scrupules. “C’est une chose
merveilleuse, disait-il, qu’un être de si basse extraction puisse être
élevé à une telle dignité.”
Prudemment, il s’était mis à l’œuvre et ses paroles étaient sem-
blables à la rosée qui rafraîchit la terre. Obligé de quitter Paris, il
avait cherché un refuge à Angoulême chez la princesse Marguerite
de Navarre, amie et protectrice de l’Evangile. Là, Calvin se remit au
travail, allant de maison en maison, ouvrant l’Ecriture sainte devant
les familles assemblées et leur présentant les vérités du salut. Ceux
qui entendaient ce jeune homme aimable et modeste en parlaient à
d’autres, et bientôt l’évangéliste, quittant la ville, se rendit dans les
villages et les hameaux. Accueilli dans les châteaux comme dans
les chaumières, il jeta ainsi les fondements de plusieurs églises qui
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devaient rendre un courageux témoignage à la vérité.
Quelques mois plus tard, il se retrouvait à Paris, où une agitation
insolite régnait dans les milieux intellectuels. L’étude des langues
anciennes avait attiré l’attention sur les saintes Lettres, et maints
savants dont le cœur n’était pas touché par la grâce discutaient vive-
ment la vérité et, parfois même, combattaient les champions du ro-
manisme. Bien que passé maître dans les controverses théologiques,
Calvin avait une mission plus élevée que celle de ces bruyants dia-
lecticiens. Mais les esprits étaient agités et le moment était propice
pour leur présenter la vérité. Pendant que les salles des universités
retentissaient de la clameur des disputes théologiques, Calvin allait
de maison en maison expliquant les Ecritures et ne parlant que de
Jésus et de Jésus crucifié.