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Chapiter 12 — La Réforme en France
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traient souvent pour discuter ensemble des questions qui divisaient
la chrétienté. “Il y a beaucoup de religions fausses, disait Olivétan ;
une seule est vraie. Les fausses, ce sont celles que les hommes ont
inventées et selon lesquelles nos propres œuvres nous sauvent ; la
vraie, c’est celle qui vient de Dieu, selon laquelle le salut est donné
gratuitement d’en haut... — Je ne veux pas de vos doctrines, répon-
dait Calvin ; leur nouveauté m’offense ; je ne puis vous écouter. Vous
imaginez-vous que j’aie vécu toute ma vie dans l’erreur ?...
Cependant, dans l’esprit du jeune étudiant, une semence avait
été jetée dont il ne pouvait se débarrasser. Seul dans sa chambre, il
réfléchissait aux paroles de son cousin. Bientôt convaincu de péché,
il se vit sans intercesseur en présence d’un Dieu saint et juste. La
médiation des saints, ses bonnes œuvres et les cérémonies de l’Eglise
étant incapables d’expier ses péchés, il ne voyait devant lui que
ténèbres et désespoir. En vain des docteurs de l’Eglise s’efforcèrent-
ils de le rassurer. En vain eut-il recours à la confession et à la
pénitence ; rien ne parvenait à le réconcilier avec Dieu.
En proie à ces luttes stériles, Calvin, passant un jour sur une
place publique, eut l’occasion d’assister au supplice d’un hérétique
condamné au bûcher et fut frappé de l’expression de paix que respi-
rait le visage du martyr. Au milieu de ses souffrances et, ce qui était
pire, sous la redoutable excommunication de l’Eglise, le condamné
manifestait une foi et une sérénité que le jeune homme mettait pé-
niblement en contraste avec son désespoir, avec les ténèbres où il
tâtonnait, lui, le strict observateur des ordonnances de l’Eglise. Sa-
chant que les hérétiques fondaient leur foi sur les saintes Ecritures,
il prit la résolution de les étudier pour y découvrir, si possible, le
secret de leur joie.
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Il y trouva Jésus-Christ. “O Père ! s’écria-t-il, son sacrifice a
apaisé ta colère ; son sang a nettoyé mes souillures ; sa croix a
porté ma malédiction ; sa mort a satisfait pour moi. ... Nous nous
étions forgé plusieurs inutiles sottises... ; mais tu as mis devant moi
ta Parole comme un flambeau, et tu as touché mon cœur afin que
j’eusse en abomination tout autre mérite que celui de Jésus
1. Merle d’Aubigné,
Hist. de la Réformation au temps de Calvin
, liv. 1, p. 565, 566.
1. Merle d’Aubigné,
Hist. de la Réformation au temps de Calvin
, liv. 1, p. 575.