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Chapiter 12 — La Réforme en France
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bailler moi-même et je le sacrifierais à Dieu
” Il s’arrêta suffoqué
par les larmes, et toute l’assemblée s’écria au milieu des sanglots :
“Nous voulons vivre et mourir pour la religion catholique.”
Une nuit sombre était descendue sur une nation qui avait rejeté
la vérité. “La grâce de Dieu, source de salut pour tous les hommes”,
avait été manifestée ; mais après en avoir contemplé la puissance et
la sainteté, après que des milliers de ses enfants eurent été attirés
par sa divine beauté, après que ses villes et ses hameaux eurent
été illuminés de son éclat, la France s’en était détournée et avait
préféré les ténèbres à la lumière. Repoussant le don divin qui lui
était offert, elle avait appelé le mal bien et le bien mal, et elle était
devenue la victime de son égarement volontaire. Elle avait beau
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croire maintenant rendre service à Dieu en persécutant son peuple,
sa sincérité n’atténuait point sa culpabilité. Elle avait volontairement
rejeté la lumière qui l’eût empêchée de se laisser leurrer et de se
baigner dans le sang innocent.
“Après avoir déployé son éloquence, le roi allait déployer sa
cruauté. A Notre-Dame, où, moins de trois siècles plus tard, une
nation oublieuse du Dieu vivant allait introniser la déesse “Raison”,
on jura solennellement l’extirpation de l’hérésie. “François Ier, tou-
jours extrême, dit un historien très catholique, ne dédaigna pas de
souiller ses yeux d’un spectacle plein de barbarie et d’horreur.” Sur
la route de Sainte-Geneviève au Louvre, deux bûchers avaient été
dressés, l’un à la Croix du Tirouer, rue Saint-Honoré, et l’autre aux
Halles. Quelques-uns des hommes les plus excellents que renfermât
la France allaient être brûlés, après d’affreux tourments. Le roi, sa
famille, les nobles et tout le cortège, s’étant mis en marche, firent
d’abord halte à la Croix du Tirouer. Le cruel lieutenant Morin fit
avancer alors trois chrétiens évangéliques destinés à être brûlés “pour
apaiser l’ire de Dieu”. C’étaient l’excellent Valeton, le receveur de
Nantes, maître Nicole, clerc de greffier du Châtelet, et un autre. ...
Les prêtres, sachant que Valeton était homme de crédit et ... désirant
le gagner, s’approchèrent de lui et lui dirent : “Nous avons avec nous
l’Eglise universelle ; hors d’elle point de salut ; rentrez-y ; votre foi
vous perd.” Ce fidèle chrétien répondit : “Je ne crois que ce que
3. Merle d’Aubigné,
Hist. de la Réformation au temps de Calvin
, liv. IV, chap. XI„ p.
176, 177.