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La Tragédie des Siècles
ténébrés. Que personne ne s’y trompe. La papauté à laquelle le
monde protestant est aujourd’hui si enclin à rendre hommage est
encore celle qui dominait sur le monde aux jours de la Réformation,
alors que des hommes de Dieu dénoncèrent ses iniquités au péril
de leur vie. Elle maintient toujours les prétentions orgueilleuses qui
la poussèrent à s’élever au-dessus des rois et des princes, comme
à se réclamer des prérogatives de la divinité. Elle n’est ni moins
cruelle ni moins despotique qu’aux jours où elle supprimait la liberté
humaine et livrait à la mort les saints du Très-Haut.
La papauté est exactement ce que la prophétie a dit d’elle : l’apos-
tasie des derniers jours
Sa tactique consiste à se présenter sous
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le déguisement qui convient le mieux à ses desseins ; mais sous
les dehors variés du caméléon, elle conserve toujours le venin du
serpent. “On n’est pas tenu de garder la foi jurée à des hérétiques ou
à des suspects d’hérésie
, dit-elle. Son histoire millénaire est écrite
avec le sang des saints : comment la reconnaître comme un membre
de la famille chrétienne ?
Ce n’est pas sans raison que l’on a affirmé dans les pays pro-
testants que le catholicisme diffère moins du protestantisme que
par le passé. Il y a eu un changement, mais ce n’est pas le fait de
la papauté. Le catholicisme ressemble, en effet, beaucoup au pro-
testantisme actuel ; mais c’est parce que celui-ci s’est écarté de ses
origines.
Dans la mesure où les églises protestantes ont recherché la faveur
du monde, elles ont été aveuglées par une fausse charité. Pourquoi,
disent-elles, le bien ne sortirait-il pas du mal ? Finalement, elles en
viennent à attendre du mal de tout ce qui est bien. Au lieu de se
lever pour la défense de la vérité “transmise aux saints une fois pour
toutes”, elles s’excusent auprès de Rome de l’opinion défavorable
qu’elles ont eue d’elle, et lui demandent pardon de leur bigoterie.
Beaucoup, même parmi ceux qui n’ont pas de Rome une opinion
favorable, redoutent peu sa puissance et son influence. Plusieurs
affirment que les ténèbres intellectuelles et morales du Moyen Age
favorisaient ses dogmes, ses superstitions et son oppression, mais
que les lumières supérieures des Temps Modernes, telles la diffusion
2. Voir
2 Thessaloniciens 2 :3, 4
.
1. Lenfant,
History of the Council of Constance
, vol. I, p. 516 (
éd. de 1728
).