Page 617 - La Trag

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Appendice
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l’extermination, sans nul doute, avait pris soin pour nous de frayer
cette route. Les noyades de la Loire ont eu leurs modèles : au XVIIe
siècle, un Planque proposait que l’on noyât en mer les protestants.
Avertissement à Carrier. Villars menace de passer des populations
entières au fil de l’épée ; c’est déjà le langage de Collot-d’Herbois.
Montrevel invente la loi des otages ; le Directoire n’aura qu’à la faire
revivre.
”Mais, avouons-le, la Terreur de 1793 ne sut pas égaler en tout la
Terreur de 1687. En cela il y eut décadence. On ne revit pas la même
patience dans les bourreaux, ni des supplices si longs, ni des morts
que Bâville faisait savourer, sous ses yeux, pendant des journées
entières. 93 n’employa pas la torture ; il ne brûla ni n’écartela ses
victimes ; il ne rompait pas les os des condamnés avant de les jeter
grouillants dans le bûcher.
”Véritablement, il n’est guère possible à un Français de lire les
horreurs de la Révocation de l’Edit de Nantes ; elles ont eu pour
nous de trop fatales conséquences qui saignent encore. Elles ont
fait entrer dans nos cœurs le mépris des choses morales quand elles
sont aux prises avec la soldatesque. Il en est resté une admiration
indélébile pour l’œuvre du sabre, un ricanement interminable devant
la conscience qui ose résister.
”Dragonner les esprits, sabrer les croyances, écharper les idées,
opposer l’esprit troupier à l’enthousiasme naïf, rien ne semble plus
simple. Ces corbeilles remplies de têtes et envoyées au gouverneur,
ces novateurs convaincus et brusquement réduits au silence à coups
de pistolet, ces intrépides [ !] et incomparables charges de dragons
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contre de petites filles de sept ans, ces héroïques [ !] soldats plus
furieux que des “ours”, qui se couvrent de gloire en fusillant à
bout portant, massacrant les enfants en extase, toutes ces voix de
suppliciés qui se taisent lâchement [ !] sous le bruit des tambours,
ces troupeaux d’âmes livrées aux moqueries des régiments, que tout
cela est magnifique et bien fait pour établir dans les cœurs la pure
religion du sabre ! Car enfin, on ne niera pas que le sabre a fort bien
converti en Poitou et en Saintonge. [ !]
”Comment ces cinq cent mille hommes d’élite ont-ils pu être
arrachés à la France, sans que les pierres aient crié ? Comment un
pareil silence, puis presque aussitôt un pareil oubli ? Et ce n’était pas