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La Tragédie des Siècles
France, sous François 1
er
et Henri II, en Angleterre sous Marie
Tudor, elle a torturé les hérétiques ; en France et en Allemagne,
pendant la seconde moitié du XVIe et pendant la première moitié du
XVIIe siècle, si elle n’a pas commencé, du moins elle a encouragé et
efficacement soutenu les guerres religieuses.” (P. 222, 223.) (Alfred
Beaudrillart, professeur à l’Institut catholique de Paris,
L’Eglise
catholique, la Renaissance, le Protestantisme
, conférences données
à l’Institut catholique, janvier à mars 1904. Avec une lettre-préface
de S. E. le cardinal Perraud, de l’Académie française. Paris, Bloud
et Cie, 1904.)
Page 301. LA MISERE EN FRANCE APRES LA REVOCA-
TION ET LES DRAGONNADES. — “L’un des plus grands servi-
teurs de la France, Vauban, dans un mémoire confidentiel adressé à
Louvois avait, dès 1688, déploré la désertion de 150 000 hommes,
la sortie de 60 millions, la ruine du commerce, les flottes ennemies
grossies de 9 000 matelots, les meilleurs du royaume, les armées
étrangères de 600 officiers et de 12 000 soldats aguerris. Ce n’était
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là qu’une partie de la vérité, et, dans les années qui suivirent, l’émi-
gration continua, bravant une répression toujours plus cruelle. ...
”On se rappelle les bénédictions divines que l’épiscopat français
avait annoncées à Louis XIV ; en face de ces prophéties il faut placer
un document accablant, ce sont les Mémoires des Intendants du Roi
exposant la situation du royaume vers 1700 ; cette enquête avait été
provoquée par le duc de Beauvilliers, gouverneur du fils du Dauphin.
Dans ces in-folios manuscrits dont Boulainvilliers publia quelques
années plus tard un résumé en trois volumes sous ce titre :
Etat de
la France
, on peut voir ce qu’avait produit l’absolutisme politique
et religieux ; notez que tout y est singulièrement atténué, car c’était
chose fort périlleuse que de déplaire au Roi.
”D’après ces rapports, la population du royaume, de 22 millions
était tombée à 19 ; les ponts, les chaussées se dégradaient partout ;
les routes étaient peu sûres, les famines périodiques ; la marine
marchande était ruinée en Normandie et en Saintonge ; en certaines
provinces, les propriétaires ne touchaient que la dixième partie des
fermages qui leur étaient dus ; dans la généralité de Rouen, sur
750 000 habitants, 500 000 couchaient littéralement sur la paille.
En Touraine, le tiers des laboureurs était parti ; Tours avait 80 000
habitants, il n’en a plus que 33 000 ; Troyes en avait 60 000, il n’en a