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Chapiter 6 — Hus et Jérôme
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justifier des accusations portées contre lui furent accueillies par les
cris : “Aux flammes ! aux flammes !” Reconduit en prison, enchaîné
dans une position douloureuse, n’ayant pour toute nourriture que du
pain et de l’eau, Jérôme, après quelques mois de ce régime, tomba
malade et fut bien près de la mort. Ses ennemis, craignant qu’il ne
leur échappe, adoucirent son sort, mais le laissèrent encore en prison
toute une année.
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La mort de Hus n’avait pas produit l’effet que ses ennemis en
avaient attendu : la violation du sauf-conduit avait déchaîné une tem-
pête d’indignation. Aussi le concile jugea-t-il qu’il était préférable
d’arracher, si possible, à Jérôme une rétractation plutôt que de le
livrer aux flammes. Il fut amené devant l’assemblée, qui lui offrit
l’alternative de la rétractation ou du bûcher. Au commencement de
sa captivité, la mort eût été pour Jérôme une grâce en comparaison
des souffrances qu’il devait endurer ; mais alors, affaibli par la mala-
die et par la réclusion, déprimé par l’anxiété et l’attente, séparé de
ses amis et abattu par la mort de Hus, sa constance l’abandonna. Il
consentit à se soumettre au concile, et accepta le décret condamnant
les doctrines de Wiclef et de Hus, sans abandonner toutefois “les
saintes vérités” qu’ils avaient enseignées.
Par ce compromis, Jérôme espérait calmer la voix de sa
conscience et échapper à la mort. Mais, réintégré dans la solitude
de sa prison, il comprit mieux ce qu’il avait fait. Le courage et la
fidélité de Hus se présentèrent à lui en contraste avec son reniement
de la vérité. Il reporta ses pensées sur le divin Maître qu’il s’était
engagé à servir, et qui, par amour pour lui, avait souffert la mort de la
croix. Avant sa rétractation, Jérôme avait été soutenu dans toutes ses
souffrances par l’assurance de la grâce divine. Mais maintenant son
âme était torturée par le doute et le remords. Il comprenait que pour
être en paix avec Rome, il devrait faire de nouvelles concessions et
que la voie dans laquelle il était entré ne pouvait aboutir qu’à une
complète apostasie. Aussi prit-il la résolution de ne point consen-
tir, pour s’épargner une courte période de souffrances, à renier son
Sauveur.
Il fut bientôt ramené devant le concile. Ses juges n’étaient pas
encore satisfaits de sa soumission. Leur soif de sang, excitée par la
mort de Hus, exigeait de nouvelles victimes. Seule une répudiation
complète de la vérité pouvait arracher Jérôme à la mort. Mais celui-